Macron en Chine : le retour des fondamentaux du Quai d’Orsay ?

Emmanuel Macron a de la chance. Beaucoup de chance. Celle de passer derrière Nicolas Sarkozy et François Hollande, surtout. Quoi qu’il fasse, la comparaison ne peut être que flatteuse. Ça se voit lors de son voyage chinois, à l’occasion duquel il s’adresse, le temps d’une phrase, en chinois aux Chinois. Un détail, certes ; mais c’est généralement là que le diable se niche.

D’ailleurs, il ne se rend pas à Pékin dans l’unique but de glaner des contrats – un peu, tout de même, le tout est d’y mettre les formes – ou, pire, pour y donner des leçons de droits de l’homme ; ce dont se moquent, d’ailleurs, les dirigeants locaux comme de leur première femme nue au fond d’un bol de baijiu. De fait, sa visite est éminemment politique, vocable qui paraissait être presque devenu un gros mot dans la bouche de ses prédécesseurs.

Inutile de s’esbaudir, telle Michèle Cotta qui, dans Le Point, compare le jeune Président à un "nouvel empereur de Chine", alors qu’il revient seulement à la politique d’un Jacques Chirac, lequel n’avait fait que poursuivre celle d’un François Mitterrand perpétuant celle du général de Gaulle ; le tout remontant à des fondements géopolitiques qui avaient déjà cours sous l’Ancien Régime. Qu’on en soit venu à se féliciter d’une situation d’une terrifiante banalité donne assez bien la mesure des bas-fonds dans lesquels le duo Sarkollande avait entraîné le pays.

L’autre chance d’Emmanuel Macron ne relève pas plus de son talent, mais seulement de la conjoncture internationale. Donald Trump est en train de ridiculiser les USA. Angela Merkel a mis l’Allemagne aux abonnés absents, tandis que Theresa May - Brexit oblige - n’a plus guère sa voix au chapitre européen. Il y a donc un vide que l’hôte de l’Élysée a eu tôt fait d’emplir. En jouant des symboles, évoquant l’empire du Milieu dont "l’État est plus vieux que l’Histoire", en se recueillant à Xi’an, sanctuaire des guerriers d’argile – site que François Hollande avait boudé comme il se doit –, en offrant un cheval en retour du panda reçu en cadeau officiel, c’est à la France qu’il redonne un semblant de lustre. Elle en avait bien besoin.

Bien sûr, on dira à gauche que les droits de l’homme ont été oubliés ; à droite, que l’on s’est prosterné devant le dernier empire totalitaire au monde. Voilà qui rappelle l’époque de la guerre froide et des décennies qui s’ensuivirent, période durant laquelle grande était l’impression que tout le monde ou presque s’était passablement débranché le cervelet. À droite, il ne fallait pas discuter avec Fidel Castro parce qu’il était communiste ; à gauche, inimaginable de dialoguer avec Augusto Pinochet au motif qu’il était anticommuniste. Au nom des droits de l’homme, dans les deux cas.

Mais cet « homme », évoqué tel une sorte de totem, n’est qu’un homme hors-sol. Dans le cas de figure qui nous occupe, c’est un président français qui négocie avec un président chinois, soit ce bête concept qu’on nomme diplomatie, fondé sur le réel et non point sur on ne sait quelle déclaration de principe.

La politique des sentiments, la pire des politiques ? Si le voyage d’Emmanuel Macron sert à rappeler cette évidence, au moins n’aura-t-il pas été inutile.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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