Loi anti-casseurs : loi de circonstance ou réelle volonté de lutter contre les violences ?

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Le 4 avril 2019, les sages du Conseil constitutionnel (parmi lesquels le « jeune » nommé Alain Juppé) ont rendu une décision concernant la conformité à la Constitution de la « loi anti-casseurs ». Celle-ci avait été élaborée et adoptée par le Parlement durant le mois de mars dernier.

Cette loi, voulue par le gouvernement, vise à renforcer le pouvoir de l’administration, et notamment de la police, afin de maintenir l’ordre durant les manifestations des gilets jaunes qui ont été le théâtre de violences, pillages, vandalisme et incendies volontaires.

Les mesures principales de cette loi consistent en la possibilité de fouille aux abords des manifestations violentes par les agents de police judiciaire (article 2), la possibilité de condamner les personnes se dissimulant le visage sans motif légitime durant les manifestations violentes où des exactions sont commises (article 6) puis une interdiction de manifester, sous contrôle du juge des libertés, pour les personnes placées en contrôle judiciaire (article 8). Ces dispositions ont été validées par le conseil des sages.

L’article 3, article le plus controversé de cette loi, prévoyait que « l'autorité administrative peut, par un arrêté motivé, prononcer à l'encontre d'une personne constituant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, une interdiction de participer à une manifestation sur la voie publique ».

Cet article a fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel. En effet, il considère que cette interdiction peut être prise sur des fondements trop imprécis laissant une trop grande latitude d’appréciation à l’administration, ce qui vient heurter la Constitution, défenderesse des libertés individuelles face à l’arbitraire. Le Conseil précise que l’interdiction peut être fondée sur tout agissement commis lors de manifestations au cours desquelles des violences sont déplorées, sans qu’il y ait forcément un lien avec les dégradations matérielles ou les atteintes physiques qui y ont lieu.

Le Conseil conclut : « Ces dispositions confèrent ainsi à l'administration le pouvoir de priver une personne de son droit d'expression collective des idées et des opinions. »

Cette actualité pose la question des libertés fondamentales qui sont garanties par notre droit, et dans quelle mesure on peut y déroger pour assurer la sécurité et l’ordre public. Peut-on restreindre une liberté fondamentale ? Cependant, ces libertés, si importantes soient-elles, se trouvent régulièrement mises en compétition car répondant à des aspirations contradictoires. Par exemple : il faut trouver un juste équilibre entre liberté d’expression et droit au respect de la vie privée. Pour éviter que l’exercice d’une liberté par une personne ne porte préjudice à celle d’une autre.
Dès lors, il est possible de prévoir la restriction d’une liberté.

Ici, la liberté d’expression collective d’une opinion, défendue par l’article 11 de la Constitution de 1789, devient abusive quand elle vient porter atteinte à l’intégrité physique ou aux biens d’autrui. Dès lors, il peut être légitime de restreindre cette liberté. Mais uniquement dans le cadre de la loi qui prévoit cette restriction. Encore faut-il que cette loi prévoie un cadre permettant de garantir le citoyen contre l’arbitraire de l’administration. Le Conseil constitutionnel intervient ici pour censurer la loi au besoin.

Dans quelle mesure cette restriction de liberté est-elle légitime ?

Elle est légitime dans la mesure où elle respecte certains caractères que contrôle le Conseil constitutionnel. Les mesures visant à réduire un droit fondamental doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées. C’est à ces trois conditions que la loi peut restreindre une liberté.

Ici, le Conseil constitutionnel considère que « le législateur a porté au droit d'expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée ». Dès lors, l’article 3 de la loi est contraire à la Constitution.

Cette censure n’est que partielle et le gouvernement pourrait réécrire l’article afin de conformer le critère d’intervention de l’administration aux exigences constitutionnelles. Le fera-t-il ? Avec l’essoufflement des manifestations de gilets jaunes, cela pourrait nous montrer si ce n’était qu’une annonce politique circonstancielle du gouvernement ou si cette loi s’inscrit dans une volonté plus large de lutter contre les violences en marge des manifestations.

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Alexis Comels
Etudiant en droit des affaires

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