L’inquiétante prolifération des drones turcs
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Erdoğan savoure son triomphe sans mesure : ses drones se vendent comme des petits pains. Il en existe plusieurs modèles, mais le fleuron est le Bayraktar TB2 fabriqué par l’entreprise privée Baykar. Pour la petite histoire c’est Selçuk Bayraktar qui en est le dirigeant. Ce brillant ingénieur, qui a fait ses études aux États-Unis, est également le gendre d’Erdoğan ; les affaires, c’est mieux en famille.
Le Barayktar a déjà fait ses preuves. En Syrie, où il a infligé de lourdes destructions à l’armée syrienne, retardant ainsi la reconquête de la poche islamiste d’Idlib que les Turcs cogèrent avec plusieurs milices islamistes. En Libye également, où il fut massivement utilisé contre les forces du maréchal Haftar dont l’objectif était de prendre Tripoli. Elles furent stoppées net par la redoutable efficacité de ces drones et subirent des pertes importantes. Les mercenaires russes du groupe Wagner furent tout aussi démunis et durent également battre en retraite. Ce succès permit à la Turquie de renforcer son implantation en Libye.
Mais c’est sur le théâtre d’opérations du Haut-Karabagh que leur efficacité fut la plus médiatisée. Lorsque l’armée azerbaïdjanaise lança son agression contre le territoire arménien du Haut-Karabagh, fin septembre 2020, les Arméniens n’avaient pas encore réalisé qu’ils avaient une guerre de retard. Forts de leur succès éclatant de la guerre de 1992-1993 qui les avaient vu écraser leurs adversaires (le conflit avait fait près de 30.000 morts), ils étaient persuadés de repousser facilement l’assaut azéri.
Mais très vite, ils subirent les ravages de ces drones vendus par la Turquie au cours des mois précédents. Bakou a beaucoup de pétrole et donc beaucoup d’argent. Les chars et les premières lignes de l’infanterie arménienne furent disloqués par ce déluge de feu. Le courage légendaire du combattant arménien n’y pouvait rien. D’ailleurs, lorsque les combats eurent lieu à armes égales, les assaillants furent souvent repoussés, en particulier les mercenaires islamistes syriens amenés par avion depuis la Turquie.
La Russie mit fin à cette partie inégale mais l’inquiétude demeure : les drones turcs ont changé le cours de la guerre et font peser une menace nouvelle sur l’avenir même de l’Arménie.
Depuis, d’autres pays ont fait leur marché. L’Ukraine a annoncé en avoir acquis 12. On dit que le premier aurait été utilisé en octobre, détruisant une batterie des séparatistes du Donbass. Mais l’armée n’a pas confirmé.
Erdoğan, qui a récemment effectué une tournée en Afrique, en a profité pour essaimer au passage : le Maroc s’est porté acquéreur, au grand dam de l’Algérie avec qui il est en conflit frontalier, le Niger également, et l’on parle maintenant de l’Éthiopie. Il n’y pas eu de confirmation la concernant, mais la presse turque l’a annoncé victorieusement. Cette perspective inquiète au plus haut point le Soudan et l’Égypte, qui ont des relations tendues avec l’Éthiopie.
Cette prolifération est inquiétante et, comme d’habitude, les alliés de l’OTAN ferment les yeux, laissant Erdoğan agir à sa guise et souffler sur les braises partout où il peut. La marche de l’islamo-nationalisme orchestrée par Erdoğan s’appuie donc maintenant sur une technologie militaire haut de gamme. Et personne ne veut prendre le risque de la freiner.
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