Les observateurs s’inquiètent d’une nouvelle abstention massive

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C’est un grand classique en analyse politique. Elle est celle vers qui tous les regards se tournent fébrilement à l’approche d’une élection : l'abstention est scrutée, commentée et redoutée, tant elle a le pouvoir de faire ou défaire un candidat. Ceux-ci ne s’y trompent pas et s’adressent aux électeurs désabusés. Ainsi Marine Le Pen, dans le JDD (26/3/2022), déclarait : « Si le peuple vote, le peuple gagne. S’il ne va pas voter, s’il ne se défend pas, d’autres personnes avec des intérêts contraires aux siens iront voter. » Éric Zemmour, au Trocadéro, en appelait « aux abstentionnistes qui ne croient plus aux fausses promesses ». Et le candidat Insoumis classé par les sondages comme le troisième homme confiait au Parisien (19/32022) : « On va sans doute entraîner des gens qui peut-être ne croyaient plus à rien. Tout notre enjeu, c’est de mobiliser les abstentionnistes. » Dans l’entourage d’Emmanuel Macron, on redoute également la démobilisation des électeurs pour qui le scénario serait écrit d’avance.

Une petite musique devenue habituelle depuis les deux dernières années, puisque la pandémie avait affecté les municipales en 2020, puis les régionales et départementales en 2021, avec des taux de participation proche de « l’anomalie statistique ». Il n’empêche que le scrutin à la présidentielle est censé, traditionnellement, plus mobiliser. Mais le politologue Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et Stratégies d’entreprise à l’IFOP, n’exclut pas une abstention à 30 %. Au micro de Radio Classique, il précise : « Nos indicateurs d’aujourd’hui nous situent dans cette jauge-là, ce qui est énorme. »

Énorme, car depuis l’abstention historique de 2002 (28,4 % au premier tour), l’élection présidentielle avait connu un rebond en 2007 (16,23 % d’abstention) pour « faire barrage à l’extrême droite », selon la formule consacrée. Las, en 2012 et 2017, sans atteindre de tels sommets (20,52 % et 22,23 %), elle maintient sa progression lentement mais sûrement. BVA, qui vient de publier son enquête « Voyage au pays des abstentionnistes et des non-inscrits », confirme cette tendance et souligne : « Si cela se confirmait dans les urnes le 10 avril prochain, le niveau d’abstention serait similaire à celui observé le 21 avril 2002, le plus haut niveau jamais enregistré pour une élection présidentielle. » L’institut dresse le profil type de l’abstentionniste, comparable à celui du non-inscrit : il est jeune (4 sur 10 chez les moins de 35 ans), CSP- et désenchanté, « ils n’attendent pas grand-chose de cette élection, que cela ne changera rien à leur quotidien ».

Parmi les autres raisons invoquées que l’on retrouvera dans cette étude : l’impression que les jeux sont faits ou que leur vote ne comptera pas. Un phénomène de désillusion des Français qui, en trente ans, ont essayé, selon Jérôme Fourquet, « l’alternance, la gauche, la droite en 2017, la gauche et la droite, et ils considèrent que leur situation personnelle ne s’est pas forcément améliorée », qui se greffe dans un contexte d’épidémie et de guerre en Ukraine. Une campagne que beaucoup jugent fantôme, Emmanuel Macron la survole et Matthieu Gallard (directeur d’études à l’Ipsos) ajoute : « Les Français ont la tête à autre chose qu’à la politique politicienne et éprouvent une vraie lassitude » (JDD, 28/1/2022). La reconnaissance du vote blanc est citée par BVA comme levier à activer pour lutter contre ce phénomène. Pour autant, et l’on pourra toujours chercher des leviers, a-t-on suffisamment inculqué aux nouvelles générations le sens du devoir et celui du bien commun ? Les jeunes ont perdu l’habitude de se déplacer pour aller voter, bercés par l’individualisme et la déconstruction que leur offre la société. Cette abstention massive prouve peut-être également que l'urgence à « faire barrage contre l'extrême droite » n'est plus...

Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

65 commentaires

  1. L’ abstention est tout simplement une irresponsabilité totale dans le fait de respecter ,par le vote ,la définition de « démocratie du grec « démos » peuple et « kratein » gouverner!
    Souvent d’ ailleurs ,ceux qui s’ abstiennent de voter ,sous le prétexte fallacieux que cela ne sert à rien ,sont ceux qui râlent le plus face au gouvernement actuel!
    S’ abstenir ,c’ est faire le jeu de l’ adversaire,aller voter c’ est être l’ acteur du futur et non le spectateur soumis d’ une prétendue fatalité!

  2. Tout cela c’est le fruit de sondages dont le but est de bien faire entrer dans le tpête des Français que voter ou pas Macron apssera…. Ca a marché mais là est-ce aussi certain? Ca ne marchera que si les Français mécontents de Macron décident tous de voter contre lui…. rester chez soi c’est voter pour son maintien. Il reste aussi à prouver que marine monte et Zemmour descend….. je n’en suis pas certain…

  3. Est-ce que vous entrerez dans un restaurant si la carte affichée à l’entrée ne vous plait pas, ou, pire encore, ne propose que des plats que vous détestez?
    Ce n’est pas le client qu’il faut blâmer, mais la direction du restaurant!

  4. Attention, manipulation ! On prépare l’opinion a des résultats déjà programmés pour convenir au projet macroniste, qui n’a rien à voir avec la démocratie et encore moins du choix des Français !

  5. Allez voter et votez avec courage , vous les abstentionnistes, exprimez vous enfin !!! Et ça va changer !!!!

  6. Comment ne pas s’abstenir quand on constate que rien ne change, et que tout est fait pour que ça continue dans l’intérêt Européen bien sûr, celui de la France à part alimenter la caisse de Bruxelles ne compte pas…

    • C’ est justement pour les raisons que vous annoncez qu’ il ne faut pas s’ abstenir!
      C’ est de l’ irresponsabilité de ne pas aller voter pour le changement alors que le gouvernement ne vous plaît pas!
      Les spectateurs sont ceux qui ,bien assis dans leur fauteuil ,voient le spectacle ,bon ou mauvais ,se dérouler sous leur yeux ,les acteurs sont ceux qui contribuent au spectacle!

  7. Il n’y-aura pas de très forte abstention mais les plus âgés croyant se préserver voteront Macron et ils le feront dans les EPADH aussi. Macron n’a rien à craindre pour l’instant car la gauche ferait barrage et les droites ne se reporteraient pas suffisamment pour faire élire nettement Marine qui est l’espoir des miséreux qui, eux, s’abstiennent beaucoup habituellement. A moins d’un miracle ou scrutin honnête, Macron sera là pour très longtemps et matera toute révolution populaire.

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