Le quinquennat Macron pourrait se résumer en trois grands livres : le grand livre des contradictions (le « en même temps » dans une lointaine première édition), le grand livre des absurdités (attestations, couvre-feux, passe et j'en passe) et le grand livre du « un ministre ne devrait pas dire ça ».

Dans cette dernière série, le tout jeune Gabriel Attal a cru prendre du galon, cette semaine, en traitant les non-vaccinés de « cyniques », d'« attentistes » et d'« égoïstes ». Et l'offensive (puisqu'ils ne connaissent plus que le vocabulaire guerrier) se doublait d'une interview au JDD où le porte-parole du gouvernement les taxait de « frange capricieuse et défaitiste ».

Arnaud Benedetti, spécialiste de communication politique, et spécialement de celle du macronisme (voir son livre Le coup de com' permanent), a eu raison de s'arrêter, dans Le Figaro, sur cette étape de la crise : « "Griveaux, sors de ce corps", pourrions-nous, sans rire ou presque, objecter à un secrétaire d'État qui distille ainsi une expression qui n'est pas sans évoquer l'arrogance de son prédécesseur dénonçant, derrière la France des gilets jaunes, "des fumeurs de clopes roulant au diesel". » Oui, de Griveaux à Attal, la filiation est nette, comme l'est celle de ce mouvement de protestation anti-passe avec les gilets jaunes. Et l'on ne peut que partager l'étonnement et l'analyse d'Arnaud Benedetti devant cette arrogance d'un macronisme qui n'a rien appris : « Tout se passe comme si la jeune Macronie n'avait "rien appris, ni rien oublié" pour reprendre le mot fameux de Talleyrand à l'adresse de ces émigrés de retour sous la Restauration. Rien appris de leurs erreurs lors des semaines de l'automne et de l'hiver 2019, rien oublié de leurs rancœurs devant la peur et le recul concédé à un soulèvement inattendu. »

Mais voilà que Libération publie, ce mercredi, un florilège de paroles de ministres et de conseillers qui nous montre que les éléments de langage de Gabriel Attal ne sont ni une erreur ni une exception mais seulement le haut de l'iceberg de la morgue macronienne. Et de sa vulgarité. Ainsi, au sujet des mesures drastiques que l'exécutif pourrait encore annoncer face à cette 4e vague : « "C’est évitable uniquement si les gens se bougent le cul", prévient un député LREM. "Se bouger le cul", c’est se faire vacciner, seule arme de protection contre le variant delta. » Et pour la vie d'après ? Pour un conseiller ministériel cité par Libé, « ça va être primauté aux vaccinés et vie de merde pour les non-vaccinés ».

On pourrait s'arrêter là et reprendre la chanson de Souchon et son : « Il faut voir comme on nous parle ». Une chanson révolutionnaire que pourra fredonner Gabriel Attal quand il se retrouvera avec Benjamin Griveaux dans les greniers de la Macronie.

On pourrait aussi attendre de nos gouvernants, et de toutes les élites, scientifiques et juridiques, qui valident leurs mesures historiques de restrictions des libertés sans ciller, un effort d'explication : s'ils ont des éléments sérieux prouvant que le variant Delta est plus dangereux ou indiquant l'apparition de nouveaux variants plus dangereux, qu'ils les mettent sur la table en toute transparence ! Les vaccinés et les macronistes n'ont pas le monopole de la raison. Ni de l'altruisme et du bien commun. Sinon, qu'ils cessent leur gouvernance par la peur, l'outrance et l'absurdité. Et, dans tous les cas, qu'ils commencent déjà à nous parler autrement.

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21 juillet 2021 à 12:50

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