Le ramadan commence aujourd'hui, une période considérée comme "délicate" par les services préfectoraux. Pour quelles raisons ? Quelles mesures prendre ? Alexandre Langlois répond au micro de Boulevard Voltaire.

Le ramadan 2018 commence aujourd’hui. Cette période a été considérée comme ”délicate” par les services préfectoraux.
Pourquoi cette période est-elle délicate ?

Il faut faire le lien avec l’attentat de samedi dernier. Monsieur Collomb a fait une réunion de crise en disant à tous les préfets « il faut être vigilant ». Après toutes les lois anti terroristes récentes faites contre les musulmans et plus particulièrement la radicalisation de certains d’eux, cette période peut, dans un relent de foi plus intense, être plus compliquée à gérer. Il peut y avoir davantage de rassemblements et de dérives. Cela donnera plus de travail aux policiers.

Comment contrôler les dérives violentes d’une certaine forme d’islam sans pour autant stigmatiser l’intégralité de la communauté musulmane ?

C’est ce que nous avions proposé pour la loi anti terroriste de monsieur Collomb et de monsieur Macron qui s’est avérée n’être qu’une transposition de l’état d’urgence dans la loi normale.
Nous avions dit à certains groupes parlementaires à l’Assemblée nationale qu’il fallait absolument arrêté de généraliser les problèmes et de savoir dire que dans l’islam, il y a certaines branches qui devraient être classées en dérives sectaires. On a su le faire pour d’autres religions. Pourquoi là, est-il difficile de dire que certains posent problème ?
Cela permettrait d’apaiser les tensions sur l’amalgame. Pour nous, service de police, cela nous permettrait de nous cibler sur la menace réelle plutôt que se disperser et s’épuiser partout. Je reprends la comparaison pendant la coupe d’Europe de football en 2016. Un haut gradé de ScotlandYard avait dit : « en France, vous êtes mauvais.Vous déployez des policiers partout sans savoir pourquoi. Il serait plus intelligent de cibler les endroits que vous voulez protéger par un service de renseignements efficace ».
Malheureusement, nos gouvernants n’en sont pas encore là.

Vous dites vouloir intégrer certaines formes de l’islam dans les dérives sectaires. Comment cela se passerait-il ?

Dans 90 % des cas des attentats commis en France, les auteurs ont subi ce qui relève de la dérive sectaire : être coupé de sa famille et entouré de gens qui disent être les seuls à avoir raison et qui profitent de la faiblesse de certaines personnes pour les embrigader et leur faire commettre des atrocités.
Le travail des services de police est de cibler ces associations, ces courants de l’islam plus dangereux que d’autres pour les valeurs de la République. Si on pouvait se concentrer sur cela plutôt que de protéger tous les lieux de culte et toutes les manifestations, on aurait déjà fait un grand pas en avant à la fois en efficacité, en protection de la population et en "sens de notre métier", pour nous. Cela éviterait en sus de nous épuiser et de nous disperser.

Le terroriste qui a commis l’attentat du 12 mai avait passé sa jeunesse dans des quartiers abandonnés de la République. Est-ce que la priorité ne serait pas de reconquérir ces quartiers pour ne pas laisser la main mise à des "radicalisateurs" ?

À l’heure actuelle, ces radicalisateurs ont la main mise sur ces quartiers parce que les gens n’ont plus d’espoir, sont fragilisés et ne savent plus vers qui se tourner.
Ils sont déscolarisés, ou en perte de repères, et avaient pensé trouver une famille, exactement comme quand on se réfugie dans une secte. On ne voit pas qu’on y est, mais c’est exactement le même système.

Il faudrait redonner des dynamismes à ces quartiers. Tout d’abord, il faut rétablir l’état de droit. Les personnes qui vivent dans ces quartiers sont demandeurs de pouvoir vivre en sécurité. Ils en ont marre dans certains quartiers d’être terrorisés par une dizaine de personnes qui font la loi.
Il faut aussi y traiter la misère sociale. Quand monsieur Collomb s’était déplacé à Toulouse pour lancer sa Police de Sécurité au Quotidien, il avait dit à une mère de famille «  dites à vos enfants que le mieux c’est qu’ils aillent travailler plutôt que de sombrer dans la délinquance ». J’avais trouvé cela choquant. Alors certes, nous sommes parfaitement d’accord avec le ministre. Le problème est qu’il n’y a pas de travail. On inverse le problème.

Si l’Éducation nationale pouvait aussi fonctionner, cela permettrait de dédramatiser certaines choses et de recaler certains jeunes.

Dans les années 70 et 80, les personnes qui étaient désespérées dans les quartiers populaires se tournaient vers le parti communiste. Quelque chose d'encore contrôlable qui était dans les règles de la République. Aujourd’hui, avec l’effondrement du parti communiste, certains quartiers ont été abandonnés à des fanatiques religieux. Cela a fini par devenir très grave et très dangereux pour tous.

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17 mai 2018 à 17:46

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