L’écologie selon Julien Doré : bien vu !
Planter une éolienne ou installer des panneaux solaires, c’est supposé présenter un bénéfice écologique. Tout comme de remplacer sa chaudière au fioul par une pompe à chaleur. Ou encore privilégier l’achat d’un produit en vrac et d’une origine locale à celui trop emballé qui vient de loin. Ou, enfin, de désherber à l’huile de coude plutôt qu’au célèbre poison vendu par une multinationale américaine rachetée par un groupe de chimie allemand. Parfois, ce bénéfice écologique est discutable, complexe à évaluer, peut-être même indéterminable. D’autres fois, il relève de la pure mascarade, comme les éoliennes et les panneaux solaires qui font rouvrir des centrales à charbon quand Apollon et Éole ont mieux à faire ailleurs.
L’injonction du petit geste pour la planète revient parfois dans le discours politique. La carotte (bio) est très symbolique : vous serez gratifié d’un satisfecit si vous suivez docilement les instructions estampillées favorables par l’autorité en place. Par contre, pour le bâton, l’écologie punitive peut coûter plus cher : être interdit de circuler dans telle métropole si votre véhicule est trop vieux et ne roule pas au bon carburant, ça peut devenir très problématique. Tout le monde n’a pas forcément les moyens de changer de véhicule. Des gilets jaunes ont occupé des ronds-points pour moins que ça.
Certes, comme il est chanté dans « La Piémontaise », « petits ruisseaux, grandes rivières ». Chaque effort individuel qui est fait pour la planète est bon à prendre, et plus ils seront nombreux, mieux ce sera. Mais le vulgum pecus ne dispose que de très peu de leviers pour changer la face du monde. Il est rare que monsieur Macheprot ou madame Michu décide dans son coin d’implanter une centrale nucléaire au fond de son jardin. Il peut seulement réduire sa consommation d’électricité, dans une certaine mesure.
Le chanteur Julien Doré, dans un entretien accordé à France Bleu Gard Lozère, fustige ce « petit geste ». Il serait, en fait, un alibi culpabilisant le peuple dont userait le politique pour s’exonérer d’agir sur les « grandes rivières » directement. Depuis des décennies, l’écologie inaugure les mandats électifs comme une bannière qui flotte au vent et termine piteusement en variable d’ajustement, par manque de courage politique. L’autosatisfaction indécente qui s’exprimait après l’accord COP21 avait un goût amer pour tous les lucides qui avaient compris les conséquences de toutes les exceptions, de tous les atermoiements, de toutes les issues de secours et les compromis trop coûteux. Rien que du laver-vert[1].
Comment donner tort à Julien Doré ? Jean-Marc Jancovici s’époumone à démontrer que l’inertie du réchauffement climatique anthropique devrait nous obliger à considérer comme une urgence la remise en cause de notre modèle de vie collectif à l’échelle de la planète. La biodiversité s’effondre et nous ne faisons rien pour changer ni nos alimentations ni nos agricultures. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », disait Jacques Chirac, en 2002. Injonction prophétique d’un homme politique lucide qui sait que la politique a déjà perdu le pouvoir, et que des financiers n’ayant comme horizon que la publication des chiffres du prochain trimestre sont aux commandes ? Ou d’un roi fainéant qui ne souhaitait pas croiser le fer avec ces financiers ?
[1] Greenwashing : présenter comme écologiquement favorable/responsable des actions ou résultats qui ne le sont pas.
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