Dans la Grèce antique, on tuait le messager porteur de mauvaises nouvelles. Tel fut le cas de Cassandre venue prévenir les Troyens de la menace qui pesait sur eux. Aujourd’hui, en France, le pouvoir macronien fonctionne de la même manière. Il intimide ou écarte ceux qui ont le malheur de vouloir se mettre en travers de son chemin.

Dernière victime en date, Alexandre Langlois. Ce dernier, secrétaire général du syndicat VIGI Police, vient de se voir notifier une suspension sans traitement de ses fonctions pour une durée de douze mois, dont six avec sursis.

Le dirigeant syndical, qui était passé devant le conseil de discipline, le 20 février dernier, était accusé de « manquement à son devoir de réserve ». Pour la circonstance, les autres représentants syndicaux qui siègent au sein de cette instance disciplinaire avaient refusé de sanctionner l’un des leurs, renvoyant la décision à la seule responsabilité du ministre de l’Intérieur.

Il est vrai qu’en droit disciplinaire, le conseil de discipline ne fait qu’émettre un avis et proposer une sanction. Cet avis peut ne pas être suivi par l’autorité administrative.

Les faits reprochés à Alexandre Langlois portaient sur le contenu de tracts syndicaux diffusés par son organisation. Dans ceux-ci, il dénonçait notamment le manque de réactions de la direction générale de la police nationale face aux nombreux suicides intervenus dans les rangs des policiers depuis le début de l’année. Rappelons que, depuis le 1er janvier, un policier se suicide tous les quatre jours. L’absence de transparence de l’administration face aux agissements d’un médecin contrôleur de la police, lequel a pourtant été condamné entre-temps pour des faits d’agressions sexuelles. Enfin, la manipulation des chiffres relatifs à la délinquance, en particulier à Marseille.

Ce genre de sanction à l’encontre d’un responsable syndical est exceptionnel. En effet, légalement protégés par leurs mandats syndicaux, les fonctionnaires de police investis de telles responsabilités sont normalement intouchables dès lors qu’ils agissent dans l’intérêt général des fonctionnaires de police et dénoncent des pratiques incompatibles avec le bon fonctionnement de l’institution.

Seuls seraient à même de justifier une telle mesure des agissements sortant du cadre de l’exercice de leurs activités syndicales, des propos diffamatoires envers telle ou telle personne ou bien encore en rupture avec des obligations légales telles que le respect absolu du secret de l’instruction. En dénonçant des faits aujourd’hui avérés, comme la vague inédite de suicides qui sévit dans les rangs des forces de l’ordre, ou la manipulation des chiffres relatifs à la criminalité dans notre pays, Alexandre Langlois n’a fait que révéler des faits établis et nullement contestables. Pour le premier, la réalité des suicides qui touchent les policiers est malheureusement vérifiable au quotidien. Quant au manque de réactivité de la DGPN, elle est tout aussi incontestable, tant on sait le peu d’empressement qui est mis pour identifier de manière formelle les causes profondes du phénomène et mettre en place des solutions adaptées. Pour le second, à savoir l’invraisemblance des chiffres de la criminalité, il y a longtemps que les études scientifiques spécialisées et les rapports de l’inspection générale de la police nationale ont démontré qu’ils sont régulièrement « adaptés » au gré des besoins du pouvoir politique en place.

Alexandre Langlois est donc bien victime d’une chasse aux sorcières. Celle-ci n’a d’autre but que d’inciter à se taire toutes celles et tous ceux qui, au sein de la police nationale, auraient des velléités de rapporter les nombreux dysfonctionnements qui la concernent. Cette façon de procéder est tout simplement scandaleuse et constitue une atteinte grave à l’exercice du droit syndical. Elle est, par ailleurs, une honte pour un pays qui se dit garant des valeurs de la démocratie. Encore un aperçu de la République exemplaire voulue par notre président de la République !

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05 juillet 2019 à 21:59

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