Le rappeur Corleone poursuivi pour « apologie du terrorisme ». Et les autres ?

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Même en hiver, c’est le Printemps des poètes avant l’heure, à en juger de l’enquête pour « apologie du terrorisme » visant, depuis ce 10 février, le rappeur Freeze Corleone. Ainsi, dans sa chanson Haaland, annonce-t-il : « En défense j’suis Kalidou, t’es Lenglet. Burberry comme un grand-père anglais. J’arrive dans l’rap comme un camion qui bombarde à fond sur la… » Sur la ? Sur la quoi ? Sur « la promenade des Anglais », à n’en point douter. La référence au drame survenu le 14 juillet 2016, à Nice, ayant causé la mort de 86 personnes et en ayant blessé 458 autres paraît évidente.

Le coupable ? Un certain Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, d’origine tunisienne et domicilié dans cette ville, ayant lancé, à tombeau ouvert, son camion sur cette même promenade. Deux jours plus tard, le carnage sera revendiqué par l’État islamique, même s’il est peu probable que cette organisation l’ait diligenté. Si les mots ont encore un sens, on admettra que la « chanson » de notre artiste participe donc de ce « djihadisme d’atmosphère » anticipé par l’islamologue Gilles Kepel.

« Une nouvelle étape vers l’infâme a été franchie », s’insurge Éric Ciotti, président des LR et député des Alpes-Maritimes. Pour le maire de Nice, Christian Estrosi, il s’agit d’une « provocation ignoble ». Le problème, c’est que Freeze Corleone (Issa Lorenzo Diakhaté à l’état civil), rappeur d’origine sénégalaise et italienne, n’en est pas à sa première provocation.

Antisémitisme décomplexé…

En 2020, il est déjà poursuivi pour « provocation à la haine raciale » pour d’autres vers n’ayant rien d’anodin. Florilège : « J’arrive déterminé comme Adolf dans les années 30 » ou « Tous les jours RAF [rien à foutre, NDLR] de la Shoah ». L’affaire sera finalement classée sans suites judiciaires, sa maison de disques, Universal Music, se contentant de dénoncer des « propos racistes inacceptables ».

Et après ? Après, rien. Enfin, et ce, toujours à propos de poètes, rien de comparable avec l’agitation pétitionnaire de la République des Lettres, suite à la nomination de Sylvain Tesson comme président du Printemps de ces mêmes poètes. Le « crime » de ce dernier ? Chanter les fées, les merveilles de la nature et d’être plus apprécié par des gens de droite que de gauche. Des méfaits inexpiables, en effet.

Un silence d’autant plus surprenant que Freeze Corleone n’est pas exactement un cas isolé dans le registre de la haine raciale, de l’appel au meurtre et autres amabilités. Qu’on en juge.

À propos des femmes et des policiers ?

« Une autre femme prend sa raclée, cette fois ci, elle s’appelle Brigitte. C’est la femme d’un flic… » Ministère amer (1998). Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, tente de faire interdire la chanson. En vain.

« Pas de paix sans que Babylone repose en paix, est-ce que tu le sais ? Sacrifions le poulet ! » Ministère amer (1997). Après la plainte de Jean-Louis Debré, ministre de l’Intérieur, le groupe se sépare.

À propos de la France ?

« La France est une garce et on s’est fait trahir. Le système, voilà ce qui nous pousse à les haïr. La haine, c’est ce qui rend nos propos vulgaires. On nique la France sous une tendance de musique populaire » Sniper (2001). Deux ans plus tard, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, tente de les attaquer en justice. Sans succès.

« La France est une garce, n’oublie pas de la baiser jusqu’à l’épuiser. Comme une salope faut la traiter » Monsieur R (2005). Une plainte est déposée par deux députés UMP. Elle est jugée irrecevable.

Appels au meurtre…

À propos des homosexuels ?

« J’crois qu’il est grand temps que les pédés périssent. Coupe leur pénis, laisse les morts, retrouvés sur le périphérique » Sexion d’assaut (2006). Les associations LGBT renâclent, sans surprise. Mais surtout sans résultat.

À propos d’Éric Zemmour ?

« J’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Éric Zemmour » Youssoupha (2009). Le président de Reconquête a obtenu auprès du tribunal correctionnel de Paris la condamnation du rappeur Youssoupha Mabiki et de son producteur EMI Musique France.

À propos de Pascal Praud ?

« Les journalistes salissent l’islam, sont amateurs comme Pascal Praud (salope). Ça mérite une balle dans le cervelet, le canon au fond de la bouche » Sneazzy et Nekfeu (2020). Le parquet avait ouvert une enquête pour « provocation non suivie d'effet à la commission d'un crime ou d'un délit par moyen de communication au public par voie électronique ».

À propos du terrorisme ?

« Je porte la barbe, j’suis de mauvais poil. Porte le voile, t’es dans de beaux draps. Crucifions les laïcards comme à Golgotha » Médine (2016). L’artiste sera ensuite invité à l’université d’été de EELV et de LFI, en 2023.

Sans commentaire.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Aux EU lieu de naissance du rap ce genre de propos seraient interdits parce que les producteurs prendraient de graves amendes . En France cela passe crème!!!! Je ne suis pas un censeur mais là ce n’est plus de la musique ni un moyen d’expression mais des appels au meurtre et de la haine .

  2. Bonne nouvelle mais tant qu’à faire, nous souhaitons vivement que les autres soient poursuivis et expulsés manu-militari afin qu’ils comprennent une fois pour toutes que la France n’est pas une déchetterie. Quand je pense que la liberté d’expression est menacée en France pour les Français alors que ces individus ont le droit de vomir leur haine pour la France quand ils sont derrière un micro. Ces individus (comme des milliers d’autres) narguent et crachent sur la France, pays dans lequel ils vivent mieux que s’ils étaient restés dans le leur. Ce grand B…. va-t-il durer encore longtemps ?

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