Le livre de l’été : La Reconquête (26)

reconquete

Pour lire le 25e épisode : ici.

Salle du Conseil européen

– La parole est à la présidence française.

– Chers homologues, vous le savez, la France, et l’Europe avec elle, est en péril. Le spectre de la guerre civile que nous étions nombreux à annoncer depuis des décennies n’en est plus un. C’est, désormais, une réalité dans de nombreux pays de l’Union : Belgique, Allemagne, Italie, Espagne, Grèce… Nous vivons tous en situation de conflit intérieur. La France en est l’épicentre pour deux raisons. Non seulement nous sommes ceux qui avons eu la politique migratoire la moins répressive en distribuant généreusement de l’aide à tous ceux qui, exilés ou non, le demandaient sans appliquer nos propres lois. Mais, en plus, nous sommes le pays qui représente le mieux l’identité chrétienne de l’Europe par notre Histoire. Les différents États islamiques du Proche-Orient, du Maghreb et d’Afrique noire nous ont identifiés comme la première cible à abattre. De ce fait, nous sommes dans l’obligation de fermer intégralement nos frontières, nous allons dès demain sortir de l’espace Schengen et rétablir un contrôle extrêmement strict.

Un léger brouhaha la fit taire, elle laissa quelques secondes ses interlocuteurs échanger entre eux, puis elle reprit la parole :

– 15 % des djihadistes auxquels l’armée française fait face viennent de pays limitrophes, d’Allemagne en particulier. Nous ne pouvons plus laisser la situation se dégrader, sans quoi nous perdrons le contrôle de la situation. Si la France devait tomber, ou du moins si elle devait laisser des portions de son territoire sous contrôle islamique, ce serait la fin de notre Union. La fermeture des frontières ne sera en aucun cas la fin de l’Union européenne. Elle est nécessaire mais elle ne doit pas empêcher la coopération entre nos pays. Nous aurons besoin d’être solidaires face à la menace islamique et nous devrons protéger nos frontières communes d’un même effort. Mais tant que cela ne sera pas le cas, la France devra se mettre en sécurité.

Une partie de l’assemblée se tourna vers le chancelier allemand, seul à même de contrebalancer la position française. Les autres puissances européennes étaient soit trop affaiblies soit dans le même cas que les Français. Le chancelier le savait. Il regarda ses interlocuteurs en réfléchissant. Le Premier ministre italien, Matteo Salvini, était évidemment lié à Maréchal ; la Grèce avait pris le tournant identitaire et anti-immigration depuis 2020 ; l’Espagne était prudente et inquiète de la situation car le parti identitaire montait inexorablement dans son pays, son candidat avait failli être élu lors des dernières élections ; les pays de l’Est penchaient de plus en plus à droite depuis des années.

Friedrich Merz, élu chancelier tout récemment, était partisan d’un durcissement des positions du CDU, parti d’Angela Merkel, mais il n’était pas pour autant favorable aux extrémistes de tous poils qui commençaient à prendre le contrôle de l’Europe. Sa réaction surprit donc tout le monde.

– Je sais que la parole devait être donnée à la Hongrie après la France. Puis-je me permettre une simple intervention ?

Viktor Orbán donna son accord d’un signe de tête.

– Nous devons à tout prix conserver notre Union pour que l’Europe demeure forte. Que chacun ait envie de fermer ses frontières dans le contexte actuel est logique, nous l’avons fait il y a cinq ans pendant la crise sanitaire liée au Covid-19. Pour autant, soyons prudents et ne réveillons pas les nationalismes endormis, sans quoi nous risquons de nous perdre.

Le Premier ministre Hongrois, Viktor Orbán, prit à son tour la parole.

– Je suis parfaitement d’accord avec le chancelier allemand, nous devons être autonomes dans la gestion de nos crises respectives, tout en gardant les principes de l’Union européenne. Nous aurions dû prendre acte, il y a des années, de l’ineptie que représentaient des organes ou des traités comme la Cour européenne des droits de l’homme, puisque nous n’avons pas tous la même conception de ce que sont ces droits, ou comme l’espace Schengen, puisque nous avons des politiques migratoires opposées les unes aux autres, ou encore comme le statut de travailleur détaché qui nous met en concurrence les uns avec les autres. Que cette crise soit l’occasion de rebâtir et de repenser nos accords !

La discussion fut difficile mais l’absence de leadership allemand ne permit pas aux opposants à Maréchal, Orbán et leurs alliés d’imposer leur point de vue. Aucune décision importante ne fut prise, si ce n’est qu’il était clair que l’Union était désormais fragilisée et que chaque pays allait gérer sa crise chez lui en attendant que la situation générale se stabilise ou dégénère.

À la sortie, une meute de journalistes attendait les dirigeants européens. Marion avait anticipé la chose et réussit à prendre la parole en première :

– Bonjour à tous. L’issue de ce Conseil est une victoire pour la souveraineté de chacun de nos pays, nous allons désormais reprendre l’initiative sur la protection de nos frontières. Frontex ne pouvant assurer leur sécurité, plusieurs pays européens ont accepté avec la France d’être les garants de l’arrêt de l’invasion migratoire à laquelle nous faisons face. L’Italie, la Hongrie, la Pologne, la Grèce et huit autres pays vont prendre en charge la surveillance de nos frontières. Chaque navire de migrants sera désormais reconduit en toute sécurité sur la côte d’où il provient. L’embarcation sera ensuite coulée par nos soins et les passeurs seront condamnés par nos cours de justice. J’en appelle à la responsabilité des pays du Maghreb. Surveillez vos frontières, sans quoi nous débarquerons les migrants qui quittent vos pays sur vos côtes et nous prendrons les mesures les plus sévères à l’encontre de vos économies. Le chantage a suffisamment duré, c’est désormais l’Europe qui sera à l’initiative.

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