Le débarquement du 6 juin 1944 au prisme de la presse d’époque

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Comment la presse de l’époque a-t-elle relaté le débarquement du 6 juin 1944 ? En cette période trouble, les rares journaux publiés sont victimes non seulement de la pénurie de papier mais aussi de la censure de l’occupant nazi. Celui-ci a durci, le 10 janvier 1943, les conditions d’édition, « défendant toute publication qui nuit au prestige du Reich allemand, qui est préjudiciable à l'ordre et au calme dans les territoires occupés ou qui met en danger les troupes d'occupation ». Pour autant, sans nier la réalité, il faut l’encadrer. C’est pourquoi, le lendemain du débarquement, le quotidien L’Action française, dirigé par Charles Maurras et Maurice Pujo, titre-t-il en une : « Les Anglo-Américains tentent un débarquement le long de la côte normande. » Le journal insiste sur le fait que ce débarquement était attendu depuis longtemps et reprend les propos du chef de la presse du Reich, le Dr Otto Dietrich (1897-1952) : « Ce matin, à l’aube, nos adversaires ont commencé, sur ordre de Moscou, leur sanglant calvaire à l’Ouest […] Nous leur réservons un “chaleureux” accueil. L’Allemagne […] se battra avec toutes ses forces […] devant l’assaut de la barbarie. »

Le journal La Croix est plus mesuré dans ses propos. Avec une neutralité toute jésuitique, il indique qu’aux « premières heures de la journée, peu après minuit, les forces anglo-américaines, sous les ordres du général Eisenhower, ont commencé d’importantes opérations de débarquement […] » Il informe aussi ses lecteurs que ce débarquement « s’accompagne de violents bombardements […] notamment contre les régions de Calais et de Dunkerque ». Le Matin[ref]Le Matin n° 21811 du 7 juin 1944[/ref] annonce que « la France redevient un champ de bataille », que « l’épreuve de force a commencé » et que « plusieurs divisions aéroportées ou parachutées ont été soit anéanties soit capturées ». À côté de sa une, le journal lancé en 1883 reprend le message radiodiffusé du maréchal Pétain exhortant les Français « au calme et à la discipline ».

Le ton est, bien entendu, différent dans les journaux clandestins de la Résistance. L’Humanité daté du 9 juin titre : « Vers les combats décisifs » et se réjouit du débarquement… à sa manière : « Ainsi en ce matin du 6 juin 1944 s’annonce la création du second front qui va hâter l’effondrement de l’Allemagne hitlérienne et parachever les grandioses victoires remportées sur le front de l’Est par l’héroïque Armée rouge qui, sous le commandement du maréchal Staline, se prépare à lancer de nouveaux assauts. » Le quotidien communiste appelle les Français à l’action et à l’insurrection, allant jusqu’à écrire « Vive nos Alliés anglo-soviéto-américains » !

Le journal Résistance[ref]Résistance n° 24 du 25 juin 1944 (le n° 23 est daté du 30 avril 1944). Le journal Résistance a été créé en 1942 par le docteur Marcel Renet (1905-1979)[/ref] daté du 25 juin s’intéresse à la souveraineté de la France en passe d’être retrouvée, appelant chacun à prendre les armes contre l’ennemi : « La libération est commencée. Les Alliés débarqués sur le sol national se préparent, avec l’aide des forces françaises de l’intérieur, à refouler l’Allemand hors du territoire qu’il souille. » Université libre, organe des comités universitaires du Front national[ref]Le Front national, ou Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France, a été créé en 1941 par le Parti communiste français.[/ref], annonce en une : « Quand Hitler songe à Iéna et à 1806 », promettant que « bientôt, comme en 1806, la guerre flambera sur le sol allemand ». Il avait titré, presque de manière prémonitoire dans son édition du 1er juin 1944 : « Le Jour J est aujourd’hui. »

Quand les quotidiens paraissent le 7 juin, le débarquement est une réussite mais la situation reste précaire car les Alliés ne tiennent qu’un petit bout de territoire et toutes les jonctions entre les principales unités ne sont pas effectuées. Ce n’est que le 7 juin au soir que les Alliés peuvent disposer d’une tête de pont de 15 km sur 15, soit seulement 225 kilomètres carrés sur 552.000 km2 : 0,04 % du territoire.

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