L’abandon de poste vaut désormais démission : salutaire mais encore imparfait

TRAVAIL

Le 17 avril dernier, alors que les commentateurs politiques étaient affairés à traiter l’allocution présidentielle et, plus généralement, la réforme des retraites, un décret d’une importance fondamentale allait être publié.

Avant d’évoquer précisément de quoi il s’agit, permettons de rappeler que, selon une étude de la DARES (Direction de l’animation, de la recherche, des études et de la statistique) datée du 22 février dernier, 70 % des licenciements pour faute grave ont pour motif un abandon de poste.

La méthode est connue et largement éprouvée. Le salarié, mécontent de son sort dans la société, décide de ne plus y mettre les pieds, et souvent sans donner aucune nouvelle.

Ainsi, l’employeur, désireux de ne pas garder dans ses effectifs le salarié absent, décide alors de le licencier pour faute grave. C’est ici que la magie de notre système social fait son office : la personne licenciée touchera, comme on le dit familièrement, « les ASSEDIC », soit le chômage.

Le salarié démotivé veut partir avec ses allocations. C’est donc son moyen d’y parvenir. En effet, si le salarié avait démissionné (ce qui pourrait sembler être un acte plutôt courageux), il n’aurait eu droit à aucune allocation chômage.

Cette situation d’une hypocrisie redoutable révèle à elle seule la façon dont on peut profiter de l’État-providence.

C’est alors qu’un député LR, Jean-Louis Theriot, eut l’idée de présenter un amendement dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Ledit amendement fut approuvé et fait désormais l’objet d’une disposition du Code du travail.

Désormais, lorsqu’un employeur constate que le salarié a abandonné son poste, il peut faire valoir une présomption de démission en le mettant en demeure de justifier son absence ou de reprendre son poste.

Quinze jours sont laissés au salarié, lequel, sans réponse, sera présumé démissionnaire. Ça sera alors la fin de la relation de travail. Aucune indemnité chômage ne sera versée. C’est peut-être cela, « libérer les énergies ».

Naturellement, tout une frange gauchisante, notamment chez certains avocats, est vent debout contre cette réforme passée un peu inaperçue mais qui concerne, en réalité, de très nombreuses personnes.

Il est un lieu commun d’affirmer que notre pays est fracturé, surtout lorsque l’on évoque le travail. Le combat est quotidien entre ceux qui prônent le droit à la paresse et ceux qui plaident pour valoriser le travail et son mérite.

Les positionnements stupides hérités du marxisme s’affrontent alors : d’un côté, les travailleurs, de l’autre, le patronat.

Mais cette façon de verrouiller la pensée politique ou juridique est tout à fait absurde et inefficiente. Chacun le sait, il n’existe pas un patronat mais des patronats comme il existe, d’ailleurs, des salariats.

La nouvelle disposition légale que l’on évoque ici a été voulue, pensée et votée pour le petit patron. Celui du bistrot du coin, de la menuiserie de quartier, de la boulangerie du bout de la rue, de l’agriculteur buriné par le soleil et la grêle. Ce petit patron qui se lève, bien souvent, avant l’aube et qui travaille 60 heures par semaine, à qui l’on demande toujours plus, toujours trop. C’est pour lui que cette réforme est faite, car il pouvait s’agacer lorsque son salarié, abandonnant son poste, se retrouvait, quelques jours plus tard, touchant ses allocations chômage à domicile.

On pourrait donc simplement se réjouir de cette mesure qui va dans le sens d’une plus grande justice sociale, pour reprendre les termes des syndicalistes. Mais c’était sans compter avec cette majorité qui ne connaît que l’à-peu-près. La rédaction de l’article de loi laisse de nombreuses questions en suspens ou est emprunte de quelques incongruités. Comme celle-ci, par exemple : l’employeur qui constate l’abandon de poste de son salarié pourra lui remettre la fameuse mise en demeure… en « mains propres »…

Il ne faudrait surtout pas que ça soit parfait du premier coup.

Me Alain Belot
Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Mais il faut aussi s’attaquer aux intérimaires qui au bout de 7 mois de travail refusent les missions et partent 5 mois en vacances en touchant les allocations chômage, comme j’en ai rencontrés au Maroc.

  2. « Ainsi, l’employeur, désireux de ne pas garder dans ses effectifs le salarié absent, décide alors de le licencier pour faute grave. C’est ici que la magie de notre système social fait son office : la personne licenciée touchera, comme on le dit familièrement, « les ASSEDIC », soit le chômage. »

    Plutôt que de me faire suspendre comme mes collègues hospitaliers rétifs au vaccin, j’ai choisi de « négocier » un abandon de poste (sans cela, ils m’auraient considéré suspendu). Je me croyais malin, ayant évité la démission.

    Figurez-vous que l’abandon de poste donne droit aux allocations chômage dans le privé, mais pas dans le public !

  3. Et quelle « loi » pour les députés qui sont régulièrement absents de l’hémicycle ? … Que faire contre ces coucous politicards qui votent des lois mais surtout pas « applicables » à leurs petite seigneurie ? … Autant effectivement il y a des abus mais que faire face aux « patrons » qui refusent de fournir des conditions de travail décents ? … Que faire face aux secteurs très connus qui usent et abusent des « migrants » et qui maintenant demandent « une régularisation » ?
    Il n’y a qu’en FRANCE qu’on tape sur les autochtones et qu’on crie « open bar » aux étrangers et particulièrement aux migrants ! … Les bénéfices du CAC40 ont explosés en 2022 … mais il n’y a pas de fric pour les français … Juste pour les « persécutés » venant de toute la planète et surtout par bateaux entiers en traversant la Méditerranée ! …
    Stop ou encore ? …

  4. A qui profite le crime? toujours à cette même classe de « bobo », très au fait des Lois ; je vois mal un ouvrier faire la même chose lui qui est au centime près pour vivre.

  5. Faire un abandon de poste juste pour fainéantiser et toucher le chômage est en effet inacceptable.
    Mais ne pas oublier les salariés porteurs d’un projet voulant voler de leurs propres ailes et auxquels leurs patrons refusent une rupture conventionnelle et qui se retrouve sans le sou pour démarrer leur projet alors que les indemnités assedic leur seraient d’un grand secours. N’oublions pas ces oubliés qui participent amplement au développement économique et qui travaillent dur !
    Alors, messieurs les législateurs, nuancez un peu vos décisions.

    • L’exemple que vous donnez est un dévoiement de l’allocation chômage : lancer son projet c’est prendre un congé sabbatique avoir mis de l’argent de côté se faire aider pour création d’emploi et cetera mais ne relève pas de l’allocation chômage

  6. Et on ne parle pas des sociétés fantômes qui ont touché du « quoi qu’il en coûte  » ou des « crédits formation « 

  7. Voila un décret plein de bon sens il y a 2 sortes de salariés les vaillent majoritaires qui voit dans l’effort un moyens de vivre dignement et de s’élever socialement puis les profiteurs du système toujours a la charge du premier et prompt a la paresse minoritaire dans l’entreprise mais une vraie plaie pour la société vomissant le capitalisme sans rien y comprendre la plus part du temps passant sont temps et dépensant ses subsistes a jouer a des jeux d’argent pour devenir millionnaire mais sans rien faire bien sûr

    • Ce n’est pas parce qu’une oie glousse dans la basse-cour que toute la ferme se met à « pailler » et suivre « Aglaelle » ! …
      Allez taper dans les endroits qui trichent aussi en toute impunité ! … AH pardon, eux ils font de « l’optimisation fiscale » ! … LOL

  8. Cette histoire de démission non indemnisée et d’abandon de poste indemnisé est l’exemple même de ce qu’il faut corriger dans notre société ! Il est incroyable que l’on continue à donner une prime au vice . Cela plait à certains avocats qui ne tablent que sur les défauts de procédures pour défendre leurs clients !

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