La mansuétude inattendue d’un sénateur communiste pour les églises menacées d’abandon

Village_et_son_église_(Niedermorschwihr)

C'était le 7 juillet : les sénateurs Pierre Ouzoulias (communiste, Hauts-de-Seine) et Anne Ventalon (apparentée LR, Ardèche) ont remis leur rapport sur l'état du patrimoine religieux en France. Leurs conclusions sont très inquiétantes : quelque 25.000 lieux de culte, sur les 40.000 dont l'entretien est à la charge des communes depuis la loi de 1905, ne peuvent prétendre à aucune aide au titre des monuments historiques. Les communes n'ont pas beaucoup de moyens. La chute de la pratique catholique dans les campagnes pose la question de l'utilité de ces églises - 500 sont déjà fermées, et le culte n'y est plus célébré. 2.500 à 3.000 églises menacent ruine. Enfin, le développement des intercommunalités rend les églises de campagne presque désaffectées. Généralement, une messe n'y est célébrée que tous les six mois, pour éviter la désaffectation de ces lieux de culte.

Pour remédier à cette situation désespérante, les sénateurs proposent de réinvestir les lieux. Les architectes abondent dans ce sens, puisque le chauffage et l'ouverture préservent les édifices. Pas question, d'ailleurs, de les désacraliser, précise le député communiste, avec une mansuétude aussi surprenante que respectable. L'idée est de prolonger l'existant (concerts, visites), en étendant ces possibilités aux petites églises, et de proposer d'autres fonctions, qui sont une sorte de résurrection de la destination médiévale de ces lieux : accueil des pauvres, accueil des étudiants qui souhaitent réviser... et même ouverture d'une épicerie solidaire.

Les plus rigoureux seront choqués de ces initiatives. Toutefois, en tant que fidèle de base, pauvre pécheur et tout ce que vous voulez, je pense que le plus important est la préservation de deux choses : la consécration de ces églises et la conservation du patrimoine architectural français - dans cet ordre. Les sénateurs rappellent, à bon droit, que les églises étaient, jusqu'à la Révolution, des lieux de culte vivants, autour desquels s'articulait la vie des villages, se formaient les réseaux de solidarité. Elles étaient toujours ouvertes - ce qui, au passage, est l'occasion de rappeler que les églises contiennent parfois de belles choses, et qu'au XXIe siècle, on n'a plus peur de la damnation quand on vole des objets de culte. Leur redonner une fonction sociale est, du moment qu'on ne fait pas d'une paisible chapelle endormie une nouvelle église Saint-Bernard, compréhensible. Comptons sur les maires pour ne pas les transformer en centres d'accueil pour migrants... Ce qui est certain, c'est que si rien n'est fait, ces trésors du patrimoine français seront livrés aux vautours : économes de diocèse âpres au gain et pressés de vendre, promoteurs sans scrupules, pressés d'acheter, qui feront pousser des McDo, des parkings et des pavillons de plain-pied...

Il reste encore quelques coins de France sans trop de béton, aux bords de route ombragés, où l'on entend chanter les sources et parfois même les cigales. Ces zones, miraculeusement épargnées, sont celles que la modernité finit par dévorer dans Les Enfants du marais ou dans les chansons de Nino Ferrer (« La maison près de la fontaine ») et Jacques Dutronc (« Le Petit Jardin »). Nos églises font partie, charnellement, de cette France oubliée. Les conclusions des sénateurs vont dans ce sens et sont relativement rassurantes sur la valeur de la représentation nationale. Le sénateur Ouzoulias, qui se revendique athée et est, on le rappelle, élu sous l'étiquette communiste, insiste, dans les colonnes de La Vie, sur l'intérêt du patrimoine, qui n'est pas « une charge » mais « un investissement ». On a connu les rouges moins inspirés. Sa collègue et co-rapporteuse n'est pas en reste puisque, pour elle, « valoriser une église, c'est valoriser un village ».

La situation est grave et chacun le constatera pendant ses vacances. Mais ce qui est certain, c'est que, pour une fois, le problème a été identifié, et pas seulement par Stéphane Bern. Prions pour que cela soit suivi d'effets.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 18/07/2022 à 9:11.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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