Jeanne du Barry, la Mal-Aimée

© Stephanie Branchu - Why Not Productions
© Stephanie Branchu - Why Not Productions

Alors que sort, dans nos salles de cinéma et en ouverture du Festival de Cannes, le dernier film de Maïwenn, Jeanne du Barry, ce dernier remet en avant une figure méconnue de l’Histoire de France : une femme née dans les rues de Vaucouleurs et qui eut le bonheur, mais aussi le malheur, d’aimer Louis XV d'un amour qui la destinera à disparaître sous la lame ensanglantée de la guillotine révolutionnaire.

Baptisée sous le nom de Jeanne Bécu en 1743, la jeune fille a pu sortir de sa petite condition grâce à sa beauté et attirer l’attention de la noblesse parisienne qui fit d’elle la maîtresse et l’amante de nombreux aristocrates, parmi eux le comte du Barry-Cérès. Ce dernier utilisa le charme de sa jeune conquête amoureuse comme une arme afin de s’attirer les honneurs et le pardon de Louis XV pour ses fautes passées. Il la maria à son frère Guillaume du Barry en vue d'obtenir un titre et un nom pour franchir les grilles dorées du château de Versailles et, si le roi le voulait, pouvoir y demeurer.

Réveillant par sa beauté l’amour d’un souverain endormi par le deuil récent de son épouse la reine Marie Leszczynska, la jeune Comtesse du Barry devint, en 1768, la nouvelle maîtresse royale. Elle succédait ainsi aux nombreuses autres conquêtes amoureuses de Louis XV, comme Madame de Pompadour. Mais les titres, les robes et les parures somptueuses, ainsi que les manières de cour apprises rapidement, ne firent pas effacer aux yeux de la noblesse de Versailles les origines roturières de la nouvelle venue et dont la seule présence était une injure au sang des rois. La locataire du lit de Louis XV finit par se faire accepter par l’aristocratie et devint même un enjeu politique de premier ordre : ayant l’oreille et le cœur du souverain, elle pouvait l’influencer. Ainsi, la comtesse du Barry se retrouva au milieu des intrigues menées par le duc de Richelieu et le duc de Choiseul, ministre d’État. Ce dernier travaillait notamment au mariage du futur Louis XVI et de celle qui fut l’une des plus grandes rivales de la maîtresse royale : l’archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche.

Mariée en 1770 avec le dauphin, la future reine de France ne supportait pas la présence de cette roturière dont la beauté égalait la sienne : comment le sang des Habsbourg pouvait-il côtoyer celui des gens du commun, et comment le roi de France, roi très chrétien, pouvait-il avoir une vie aussi dissolue ? Naïve, Jeanne du Barry chercha obstinément à devenir l’amie de la dauphine mais ne reçut en récompense qu’une froide hostilité. Cette relation faillit même menacer l’alliance franco-autrichienne que Louis XV était prêt à sacrifier au nom de son amour. Marie-Antoinette, consciente des enjeux pour son pays natal, ravala son orgueil et accepta publiquement de mettre fin à sa rivalité en adressant la parole à la comtesse du Barry à l’aide de quelques mots passés à la postérité : « Il y a bien du monde, aujourd’hui, à Versailles. »

Mais le roi et sa santé déclinaient. Tombé malade en 1774, Louis XV demanda à sa maîtresse de quitter Versailles, malgré les bons soins qu’elle lui avait prodigués, afin qu’il puisse se préparer chrétiennement à sa mort. Après une vie de plaisir, le roi de France devait rendre désormais son âme à Dieu. Pour Jeanne du Barry, les portes de Versailles se clôturaient définitivement. S’exilant dans son château de Louveciennes, la comtesse du Barry tenta d’y revivre son bonheur passé en compagnie de nouveaux amants, mais qui est loin de la cour tombe peu à peu dans l’oubli.

La Révolution française éclatant, elle ne fuit pas à l’étranger comme le reste de l’aristocratie, pensant être protégée par ses origines dont elle avait pourtant cherché à effacer toute trace. Subissant un cambriolage en 1791, elle partit en Angleterre afin de retrouver les voleurs mais, apprenant en 1793 la volonté d’apposition de scellés sur sa propriété et ses biens de Louveciennes, elle revint en hâte. Devenue suspecte aux yeux de la Révolution pour son séjour anglais et pour son passé versaillais, elle fut arrêtée et condamnée à mort par le terrible tribunal révolutionnaire. Montant à la guillotine le 8 décembre 1793, elle tenta jusqu’au dernier instant de retarder son exécution, suppliant Samson de lui laisser « encore un moment, Monsieur le bourreau ! »

Jeanne Bécu, comtesse du Barry et maîtresse royale, ne réussit jamais à trouver réellement sa place entre le mépris d’une noblesse pour sa basse extraction et un peuple qui lui reprocha son amour pour celui qui fut considéré comme un tyran. Louis XV le Mal-Aimé aura su léguer a posteriori son sobriquet comme ultime héritage à sa dernière amante.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:22.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Elle s’en est mis plein les poches en fricotant au sommet de l’Etat, et je souhaite simplement que tous ceux qui ont profité de la France de manière aussi éhontée finissent de la même façon.

  2. Par quel mystère BV a–t-il publié deux articles sur le même sujet ? Ce bégaiement a fait attérrir le compliment qui vous était destiné sur l’autre critique. Je le renouvelle donc ici parce qu’il est tellement rare et tellement précieux de lire un article historique rédigé aux temps qui conviennent et non au « futur historique » qui s’est désormais imposé universellement à la langue française. Un très grand merci avec mes compliments !

  3. J’espère que c’est un bon film historique. Si c’est le cas, nos enfants et petits-enfants pourront aller le voir et apprendront peut-être un peu d’histoire de France en passant par ce que l’on appelait de mon temps : « la petite histoire de France » et qui m’a toujours beaucoup intéressée.

  4. Je vous conseille de lire le magnifique livre de Catherine Hermary Vieille qui raconte merveilleusement son histoire. J’ignorais qu’elle avait été décapitée elle aussi. Quelle horrible époque !

  5. C’est léger comme analyse . Il faut lire Dostoïeveski , ou plus précisement le passage qu’il lui consaqcre dans » l’Idiot  » où il explique par le truchement de son personnage, un peu veule , Lebedev, que les derniers mots de la Comtesse e du Barry  » encore eun instant Monsieur le Bourreau  » sont sublimes parce qu’ils appellent en creux une prière pour un instant de grâce et tout instant de vie est un instant de grâce qjui nous est accordé, étaient christistiques devant une révolution qui après avoir tué le Roi, voulait éradiquer Dieu de l’espace public sinon dans un culte abstrait, mort né . . Ne pas saisir ce moment, et se contenter d’un mépris devant une femme qui aurait eu eu peur de mourir ou le mépris des révolutionnaire pour uen femme d’Ancienr régime; , c’est refuser de voir en face notre révolution et figer notre histoire dans un recommencement en boucle de cette horreur.

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