Le Premier ministre français Jean Castex, lors de sa visite à Rome, le 18 octobre, offrira au chef de l’Église… le maillot dédicacé d'un joueur argentin, vedette actuelle du PSG. Cela en dit long sur le niveau intellectuel des gouvernants français. Certes, le phénomène est connu depuis déjà plusieurs années : nous n’avons pas attendu M. Macron pour découvrir que l’État est servi par des ministres presque toujours incultes, souvent incompétents dans la matière qu’ils sont supposés encadrer - on se souvient du ministre du Travail ignorant le principe du contrat à durée indéterminée -, parfois agissant dans le sens inverse de leur mission – le ministre chargé de la lutte contre la fraude cachant de l’argent en Suisse, le garde des Sceaux mis en examen... Autant de situations fausses et politiquement malsaines dont les générations futures auront du mal à croire qu’elles ont pu réellement exister.

Le geste de notre Premier ministre doit être comparé. À l’occasion de sa visite en Hongrie, le pape François s’est vu offrir par le Premier ministre hongrois Viktor Orbán un document historique exceptionnel : la copie d'une lettre envoyée au milieu du XIIIe siècle par le roi de Hongrie Béla IV au pape d’alors, Innocent IV, le priant d’intervenir auprès des cours européennes pour une action commune contre les Mongols. Ceux-là avaient déjà ravagé l’Europe orientale et commençaient à submerger l’Europe centrale. Bien sûr, nos deux époques ne sont pas comparables, mais la submersion démographique à laquelle on assiste aujourd’hui, motivée par la convoitise du monde ultra-méditerranéen devant la prospérité européenne, effraie des Hongrois dont le pays n’est situé qu’à quelques centaines de kilomètres du Proche-Orient.

Le message était explicite, adressé à un pontife profondément spirituel mais peu au fait des réalités temporelles et surtout du sens tragique de l’Histoire, en particulier s’agissant de l’Europe qui, contrairement à l’Amérique latine, vit dans le voisinage dangereux d’une civilisation radicalement hostile.

J’ignore si Viktor Orbán a saisi l’ironie de son geste, mais le pape Innocent IV fut, lui aussi, tenté d’exercer son ministère en débordant sur la souveraineté temporelle des chefs d’État, notamment en s’opposant à l’empereur Frédéric II, abusant de ses prérogatives sacerdotales jusqu’à l’empêcher de reconquérir la Terre sainte. Il serait injuste d’accuser tous les papes des mêmes errements. Au contraire, la grande majorité ont respecté la répartition des rôles, mais le fait est que celui-ci, parmi d’autres plus importants sans doute, a entretenu cette funeste querelle entre la papauté et l’Empire dont on sait qu’elle finira par encourager au XVIe siècle, trois cents ans plus tard, de nombreux princes allemands à appuyer Luther pour mieux rompre avec Rome. Nous en subissons les conséquences aujourd’hui et il reste à espérer qu’en Hongrie ou ailleurs, les mêmes causes ne produiront pas, un jour, les mêmes effets.

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17 octobre 2021 à 18:06

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