Les nations chrétiennes ont leurs territoires et leurs capitales, les catholiques ont le Vatican, les nations musulmanes ont également leurs capitales, à l'exception de la Palestine, si tant est que ce soit une nation, et la communauté islamique a ses deux villes saintes. Le peuple hébreu, la communauté juive, accablés de persécutions et d'exodes, ont une exigence compréhensible de posséder un État qui les protège sur un territoire indépendant et qui peut être défendu. Voilà l'enjeu. Que le lieu où ce souhait se réalise soit celui qui est inscrit au cœur de la foi et de la tradition entretenues pendant des millénaires par les héritiers des royaumes d'Israël et de Juda revêt une légitimité symbolique suffisamment forte pour lui accorder la priorité.

Israël a introduit la communauté juive dans le concert des nations. Son identité persistante, son désir de trouver dans la terre "promise", qui fut aussi celle où s'est déroulée la partie essentielle de son histoire et qui devient la patrie où elle peut protéger ses membres, ont justifié la déclaration Balfour favorable à la création d'un foyer national juif en Palestine, et sa mise en œuvre à travers la conférence de San Remo et le traité de Sèvres lors du démembrement de l'Empire ottoman. L'immigration juive en Palestine a d'abord été encouragée. Elle a permis aux Juifs, qui étaient 85.000 en 1914, d'être 650.000 en 1946, à la veille de l'indépendance. L'opposition et la résistance des Arabes au processus ont été constantes. 1948, 1956, 1967, 1973, 1982 ont été les grandes étapes d'un conflit permanent dont les données ont profondément changé. Israël a quadruplé sa population, mais malgré l'« Aliya » (le "retour"), le pourcentage des Juifs diminue de 87 % à 74 % entre 1950 et 2016. Les perspectives démographiques ne rendent donc guère possible le retour massif de Palestiniens. Le pays est à la fois petit et puissant, trop petit pour ne pas être fragile stratégiquement, trop puissant pour ne pas être capable de faire payer très cher une agression. Il possède l'arme nucléaire, et son obsession d'empêcher un ennemi de l'obtenir est, pour lui, vitale. Par ailleurs, c'est un pays riche, développé et dynamique jusque dans des secteurs de pointe. Une synergie entre ses voisins et lui pourrait être bénéfique à l'ensemble, comme l'Égypte et la Jordanie l'ont compris.

Israël existe et est prêt à tout pour persévérer dans cette existence conquise de haute lutte, qui met à l'abri de persécutions les Juifs qui le souhaitent. Il est, d'ailleurs, assez humiliant pour la France qu'un certain nombre de ses ressortissants soient amenés à se réfugier en Israël pour fuir l'insécurité qu'ils subissent dans notre pays en raison d'un nouvel "antisémitisme" suscité par l'islamisme. La reconnaissance d'Israël par les États arabes est une étape nécessaire à la solution du problème. Le fait que les ennemis d'Israël soient, aujourd'hui, plus les islamistes que les Arabes a malheureusement accru la difficulté, avec le rôle grandissant de l'Iran et de la Turquie, qui furent des alliés de l'État hébreu avant que les islamistes chiites ou sunnites ne prennent le pouvoir à Téhéran et à Ankara. La Syrie est le dernier État arabe frontalier à être en guerre avec Israël. Le gouvernement syrien, baasiste, c'est-à-dire nationaliste, a, semble-t-il, vaincu les islamistes et l'on pourrait imaginer qu'il finisse par rejoindre les signataires de la paix. Sans doute est-ce un point qui a été abordé entre Vladimir Poutine et Benyamin Netanyahou lorsque ce dernier est allé à Moscou. La Russie est le seul pays à entretenir des relations avec l'ensemble des acteurs régionaux, et notamment à la fois positives avec Israël, où les Juifs russes sont très nombreux, et avec la Syrie, qu'elle a sauvée du chaos. Son rôle peut donc être crucial.

Enfin, l'hypothèse des deux États est stratégiquement inenvisageable pour Israël. À cette opposition rationnelle s'ajoute celle, plus sentimentale, qui provient de l'Histoire. Les territoires occupés correspondent à la Judée-Samarie, autrement dit davantage aux anciens royaumes juifs que la côte, le pays des Philistins. Cette inversion géographique dans le partage est un motif de plus de le rendre discutable. Le statu quo actuel risque donc de se prolonger longtemps, tant que l'Occident et la Russie n'auront pas trouvé une synergie capable d'imposer une solution.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 20:39.

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23 mai 2018 à 18:53

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