Qu'il est difficile d'être député européen par les temps qui courent. Que de crises à régler, de discriminations à endiguer, de problèmes à chercher pour des solutions toutes trouvées. Faisons court, il s'agit de sauver le monde menacé d'épidémie, de montée des eaux, des migrants, des populismes et des phobies. Pour cela, plus de 700 députés pantouflent à Bruxelles et planchent sur des problématiques éminemment complexes.

Aurore Lalucq, chargée de cours à Sciences Po et membre du groupe de l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen, fait partie du cheptel. Si l'habit ne fait pas le moine, le nom du groupe vous met déjà au parfum. Rose au poing, Lalucq fait la chasse aux discriminations, autrement dit, la chasse à l'homme et à la problématique patriarcale, jusque dans les toilettes genrées.

Ancien soutien de Benoît Hamon à la présidentielle de 2017, proche d'EELV, puis membre du mouvement Place publique de l'époux de Léa Salamé, Raphaël Glucksmann, Lalucq a souhaité nous alerter, à l'occasion de la Journée mondiale des toilettes - si, si, ça existe- , sur une « inégalité qui passe souvent inaperçue, qui a tendance à être acceptée, intégrée et, in fine, oubliée » : celle de la queue pour aller au toilettes.

« Une injustice beaucoup moins anecdotique et beaucoup plus politique qu'il n'y paraît, assure Aurore Lalucq. Dans l'immense majorité des espaces publics, la surface dédiée aux toilettes pour homme est strictement la même que celle accordée aux femmes ». Cette égalité en superficie est hélas superficielle, elle sous-tend paradoxalement une discrimination immanente. Démonstration : « les femmes mettent plus de temps à faire leur affaire : il faut pouvoir ouvrir la porte des toilettes, se déshabiller, changer éventuellement sa protection périodique, se rhabiller, et sortir des toilettes. Autrement plus compliqué que de simplement avoir à ouvrir sa braguette et fermer sa braguette. Et de cette différence de rapidité découle une injustice qui fait que les femmes perdent du temps à attendre que des toilettes se libèrent quand les hommes, eux, peuvent se succéder à toute vitesse et passer à autre chose ». Les prostatiques apprécieront cette micro-agression systémique.

« La nature a doté les hommes d'un immense avantage, celui de pouvoir pisser debout, ce que les architectes semblent n'avoir toujours pas compris », poursuit-elle. « Une situation qui peut sembler anecdotique face aux inégalités en matière de salaire d'emploi, est en réalité révélatrice et symptomatique de la manière dont notre société pense l'égalité. On croit qu'il suffit d'offrir ce qu'il convient aux dominants pour que l'égalité soit établie.» Solution proposée : plus de toilettes pour les femmes que pour les hommes. Les pissotières prenant moins de place permettront d'élargir l'espace dédié aux femmes.

Aurore ou le crépuscule de la pensée européenne, Lalucq ou la Marcel Duchamp de l'imposture contemporaine des combats progressistes. Deux guerres et des dizaines de millions de morts pour en arriver là. Après les tranchées, les latrines. Si Sandrine Rousseau a trouvé un alter ego parodique, Sardine Ruisseau, souvent bien plus crédible que la copie originale, avec Lalucq, l'activisme progressiste a trouvé son Rhin, son Rhône et sa Loire. De Galilée à Pythagore, de Schrödinger, Curie, Einstein à Tesla, et maintenant, ça. Ça, stigmate d'une déchéance inexorable du génie occidental, du E= mc² remplacé par E=WC. E comme Europe.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 25/11/2021 à 15:44.

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21 novembre 2021 à 18:00

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