Ils ont sauvé l’honneur : la défense de Lorient en juin 1940

l'amiral de Penfentenyo

En juin 1940, l’armée française s’est battue jusqu’au bout, on l’oublie souvent. Jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la signature de l’armistice, le 22 juin. La défense héroïque des ponts de Saumur par les élèves de l’école de la cavalerie et du train est bien connue. Le combat des cinq chemins, à Guidel, près de Lorient, l’est moins.

Tragique cas de conscience

Le 18 juin, les Allemands entrent en Bretagne. Le vice-amiral d’escadre Hervé de Penfentenyo (1879-1970), préfet maritime de Lorient, avait reçu l'ordre d'évacuer tous les moyens de combat et de rendre les arsenaux inutilisables pour l'ennemi. L’ordre est exécuté.

Dans le même temps, le ministre de l'Intérieur diffuse sur les ondes que les villes de plus de 20.000 habitants étaient déclarées « villes ouvertes », Lorient en particulier. Ainsi, la route devenait libre pour les Allemands.

C'est alors que, dans la nuit du 18 au 19 juin, contre toute attente, arrive l'ordre de défendre Lorient et sa base navale ! Pourquoi ce contre-ordre ? D'autant que les moyens de défense venaient d'être évacués ou détruits ! La nouvelle est vite connue en ville. Autorités civiles et religieuses viennent exprimer leur angoisse au préfet maritime : toute résistance n'incitera-t-elle pas l'ennemi à de terribles représailles ?

Douloureux cas de conscience pour l'amiral. « Mon cœur leur donne raison, ma raison leur donne tort. Et voilà le drame ! Ma raison leur donne tort. Je m’explique. Ce n’est pas le gouvernement qui a déclaré Lorient ville ouverte, c’est le ministre de l’Intérieur, nullement qualifié pour prendre une décision qui relevait uniquement soit du chef du gouvernement, soit du généralissime, le général Weygand, soit encore, pour le littoral, de l’amiral de la flotte Darlan. Or, ce dernier vient de me donner l’ordre formel de défendre Lorient. Je ne connais pas les raisons qui ont dicté cet ordre puisque les communications ont été coupées. J’imagine que les pourparlers d’armistice sont très durs et qu’il est nécessaire que nos plénipotentiaires puissent dire à l’ennemi que si ses prétentions sont excessives on lui tuera encore du monde. Et en temps de guerre surtout, lorsqu’un ordre n’est pas contraire à l’honneur, il est sacré. Donc, on combattra ! Contre vents et marées, on combattra ! »

Le combat sera livré hors de la ville et après avoir prévenu l'ennemi que Lorient n'était pas ville ouverte.

Le combat des Cinq Chemins 

Un élément de résistance est installé au carrefour dit « Les Cinq Chemins », à Guidel, sur la route de Quimper, à environ dix kilomètres de Lorient. Sous les ordres du chef d'escadron Billaud, il est composé d’une section de mitrailleuses des troupes du littoral, d'une section du dépôt d'artillerie coloniale n° 31 et d'une mitrailleuse quadruple de 13,2 mm de la Marine armée par l'enseigne de vaisseau Horveno.

Le 21, en début de matinée, prévenus de l’arrivée des Allemands, le préfet maritime et le général Mussat, son adjoint territorial, se rendent sur place. Au moment où l'ennemi se présente devant le barrage, un sous-lieutenant leur porte ce message : « Le gouvernement a donné l'ordre formel de défendre les ports de guerre. Cet ordre sera exécuté. Signé : Penfentenyo. »

Les Allemands ouvrent le feu. La riposte ne se fait pas attendre. Le combat s’engage, dure environ deux heures et fait plusieurs morts et blessés graves. L'amiral, parfaitement visible avec sa casquette blanche, observant et coordonnant les tirs, par miracle, n’est pas atteint. Vers midi, il ordonne le repli. Vers 18 heures, la colonne allemande entre dans Lorient. Un chef de bataillon se rend au bureau du préfet maritime pour régler avec lui les conditions d’arrêt du combat.

En 1966, l’amiral de Penfentenyo raconta cette entrevue. « Je prends la parole et je lui dis : “Je n'ai rien à vous rendre : tout ce qui vole est parti ; tout ce qui flotte est évacué ; même le contre-torpilleur Bisson, amputé de son avant, a été remorqué par l'arrière ; il est en sûreté en Angleterre. Tous nos approvisionnements sont détruits. Nos bassins de radoub sont inutilisables. Nos banques sont vides. J'ai fait brûler tous les signes monétaires pour que vous ne vous en empariez pas. Les clefs de Lorient, pur symbole, dont la Marine m'avait confié la garde ont été mises en sûreté. Mon épée, enfin, je l'ai fait disparaître pour ne pas avoir à vous la rendre.” L'Allemand, très chevaleresque il faut le reconnaître, me répond en me parlant de mon épée : “Je regrette, amiral, car je me serais fait un devoir de vous la restituer aussitôt !” »

Honneur à ceux qui ont donné leur sang pour que soit respectés les ordres reçus, à l'amiral pour avoir donné l'exemple et s'être imposé à l'ennemi avant d'être fait prisonnier de guerre. Certes, Lorient avait vécu des heures tragiques, mais la destruction avait été évitée et l'honneur était sauf !

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