De ce mois de juin 40, on ne retient désormais que le 18 et l’appel lancé depuis Londres par le général de Gaulle, éphémère sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale du gouvernement Paul Reynaud, du 6 au 16 juin. Et pourtant, entre l’allocution radiophonique du maréchal Pétain, nouveau chef du gouvernement, le 17 juin, au cours de laquelle le vainqueur de Verdun annonçait qu’il s’était adressé à l’ennemi durant la nuit pour que cessent les combats, et le 25 juin, jour d’entrée en application de l’armistice, signé le 22 juin dans la clairière de Rethondes, près de Compiègne, on s’est battu sur le sol de France, on a résisté à l’avancée de l’ennemi. À Saumur, par exemple.

Alors que les Allemands entrent dans Paris le 14 juin, ordre est donné à l’armée de faire barrage à l’avancée de l’ennemi vers le sud en s’appuyant sur les obstacles naturels que constituent les cours d’eau, notamment la Loire. Le secteur de Saumur est confié à l’École militaire d’application de la cavalerie et du train sous les ordres du colonel Michon. Mais le 15 juin, l’école reçoit l’ordre de se replier sur Montauban. Michon refuse. Il obtient alors de garder avec lui les cadres, les élèves (des élèves aspirants de réserve) ainsi que des troupes éparses de plusieurs unités, tout au plus 2.500 hommes (c’est-à-dire pas grand monde), pour assurer la défense du secteur de Saumur allant de Montsoreau à Gennes, face à deux divisions allemandes, fortes de 40.000 hommes, appuyées par la Luftwaffe.

Le 17 juin, alors que le message du maréchal Pétain vient d’être diffusé - "C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat..." -, que la demande d’armistice a été annoncée, le colonel Michon convoque les cadres de l’école puis les élèves pour leur exposer la situation, sa décision de chef et les laisse libres de leur choix. Tous furent volontaires pour poursuivre le combat. Le 18 juin, le poste de commandement tactique s’installe sur la crête à huit cents mètres du château de Saumur. À 21 heures, des colonnes de blindés ennemis sont signalées par le chef de gare de Château-du-Loir (Sarthe) et se dirigent vers Château-la-Vallière (Indre-et-Loire). C'est l'alerte. Le 19 juin à zéro heure quinze, le contact est pris avec l’ennemi à hauteur du pont de Saumur. Des blindés allemands sont détruits au canon de 25. Durant cette nuit, le pont nord de Saumur, celui de Montsoreau ainsi que le pont viaduc sont détruits. Au petit matin, le contact avec l’ennemi se fait sur toute la largeur du front. Dans l’après-midi, le pont nord de Gennes, où sont retranchés les élèves aspirants du train sous les ordres du lieutenant Roimarnier, saute à son tour. Dans la nuit, ce sera le pont sud. Les combats vont se poursuivre jusqu’au 20 juin soir. Mais il n’était plus possible de résister, faute de réserves et d’artillerie. Aussi, dans la nuit du 20 au 21 juin, la manœuvre de repli est engagée. Les élèves avaient tenu autant qu’ils avaient pu avec de maigres moyens et au prix de pertes sévères (250 tués et blessés).

Le jeune Maurice Druon, futur académicien et ministre, alors âgé de 22 ans, était l’un de ces élèves aspirants. Il racontera, en 1946, dans un roman, La Dernière Brigade, les combats héroïques de cette poignée de « cadets », comme les qualifièrent les Allemands en référence aux Kadetten allemands. "Qui de vous est le chef ? demanda-t-il dans un français assez bien prononcé. – Moi, répondit Bobby par le côté gauche de sa bouche. – Où sont vos hommes ? – Derrière moi. – Mais tous les autres ? – Ils sont là, dit Bobby. – Comment ? Vous n’étiez pas plus ? dit l’officier. Il se redressa, fit mettre ses soldats au garde-à-vous et salua tandis que sortaient de la cave les survivants de la dernière brigade."

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18 juin 2018 à 18:29

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