Hélène Carrère d’Encausse, l’intégration par le travail, le talent et le mérite

hélène carrère d'encausse

Hélène Carrère d’Encausse, née Zourabichvili, nous a quittés à l’âge vénérable de 94 ans. Historienne spécialiste de la Russie et écrivain, elle était aussi ce que l’on pouvait appeler une polémiste. Mais pas une de bas étage, ignare et agressive, bonne pour les plateaux télé racoleurs au summum de la vulgarité ; au contraire, même. Élégante, cultivée, fine, elle était de l’ancienne génération, celle qui avait vu Camus et Malraux, qui avait connu le cinéma de Lautner et Melville, une génération pétrie de culture classique et de sens de l’effort.

Elle était destinée dés sa naissance à ce qui sera son sujet de prédilection : née de parents russes, elle sera apatride jusqu’à ses 21 ans lorsqu’elle recevra la nationalité française, symbolisant l’intégration française à l’ancienne. Sa jeunesse orientera certaines de ses positions futures. Son parcours sera exemplaire : diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris en 1952, docteur en 1963 et docteur ès lettres en 1976, elle échappe à un destin tout tracé de fonctionnaire pour s’orienter vers l’enseignement (France, Belgique, États-Unis et Japon) et vers l’écriture. Dans son ouvrage le plus célèbre, L’Empire éclaté, en 1978, elle fera la prédiction d’un éclatement futur de l’URSS à cause de la natalité galopante des républiques musulmanes du Caucase et d’Asie centrale. Prédiction à moitié confirmée : l’Empire soviétique s’effondrera mais grâce à la politique de Reagan, aux maladresses de la direction soviétique et à l’agitation nationaliste des populations européennes du bloc. Néanmoins, 25 ans plus tard, l’aspect prémonitoire du pronostic peut être remis à jour au vu de la progression démographique actuelle des peuples musulmans de la Russie de Poutine. Finalement, son analyse peut être vue comme une prédiction à deux vitesses et désignant deux empires successifs.

Elle sera également engagée en politique, soutien du centriste Raymond Barre à la présidentielle de 1988, partisane du oui pour le traité de Maastricht avec Jack Lang en 1992 et candidate aux élections de 1994 sur une liste UDF-RPR pour Jacques Chirac. Alors, Hélène Carrère d’Encausse est-elle de droite ? De gauche ? Du centre ? Rien de tout cela : elle est avant tout une ardente partisane de l’intégration républicaine qui reflétait si bien sa propre histoire. Elle s’y était impliquée, notamment, en prenant la présidence du conseil scientifique de l’Observatoire des statistiques de l’immigration et de l’intégration.

Elle fut aussi polémiste, à l'occasion. Lors d’une interview concernant les émeutes socio-ethniques de novembre 2005, elle met en cause la polygamie. Ce n’était pas une polémique gratuite, vulgaire et agressive, faite pour choquer ou buzzer. C’était une réaction simple et tranquille qui dérangeait le petit train confortable du politiquement correct assoupi du milieu universitaire français. Elle s’opposa également à la féminisation des titres et fonctions pour les femmes dans la langue française ainsi qu’à l’écriture inclusive. Plus récemment, elle fut moins pertinente concernant l’invasion russe de l’Ukraine du 24 février dont elle affirmait, le mois précédent, l’impossibilité. Accusée de défendre le discours de Moscou, elle finit par condamner la politique de Poutine. Nul n’est infaillible.

La petite apatride est devenue académicienne. Entrée en 1990 dans la vénérable institution au siège de Jean Mistler, diplomate, écrivain et homme politique français, député et plusieurs fois ministre, secrétaire perpétuel de l'Académie française, Carrère d'Encausse devint elle aussi secrétaire perpétuelle en 1999, en remplacement de Maurice Druon. Elle est la première femme à occuper cette place. C’est donc une intellectuelle française de haute tenue qui nous quitte, véritable symbole par sa vie et son travail d’une certaine conception du savoir et de l’engagement. Une conception élitiste et exigeante, patiemment détruite par l'Éducation nationale. Elle aura vécu entre deux mondes.

Florent de Prévaux
Florent de Prévaux
Docteur en Histoire, enseignant, rédacteur, conférencier.

Vos commentaires

6 commentaires

  1. Madame Hélène Carrère d’Encausse par son histoire son parcours fut a n’en pas douter une chance pour notre pays
    Aujourd’hui nous avons nos rappeurs poètes nos mineurs délinquants nos tueurs de flics nos politiciens perfides la chance aurait elle tourne pour la France

  2. La grande dame était plus intégrée à la France que nombres de Français dits de souche. Elle était l’honneur et la fierté de notre pays.
    On n’en demande pas tant… Mais bon, ne parlons pas ou plus d’intégration dès lors que les immigrés d’aujourd’hui reconnaîssent et imposent des préceptes qui l’interdisent.

  3. Elle a fait partie de ces étrangers amoureux de la Culture Française (celle qui n’existe pas selon M.Macron) et n’est pas venue pour le RSA ni pour réclamer des Droits mais pour se créer une identité glorieuse . En voilà une Chance pour notre pays .

  4. Une grande dame , un parfait exemple d’intégration . Des immigrés de sa trempe on les accueille à bras ouverts .

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