Gilets jaunes : les syndicats ont encore tout faux

Laurent Berger

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, à la suite d'une matinale sur RTL, tweetait, mercredi : "Le grand débat national doit débuter samedi. La CFDT s’oppose à ce que “immigration et identité profonde”, pourtant sans lien à la crise actuelle, fasse partie des 5 thèmes de discussion. C’est incompréhensible et dangereux alors que l’enjeu est clairement la justice sociale !" Incompréhensible pour qui ? Pour un syndicalisme français qui, depuis le début du mouvement des gilets jaunes, est à la ramasse et essaye vainement de rattraper le train en marche. Pas facile et plus compliqué que de l’empêcher de partir par jour de grève !

Laurent Berger semble, encore une fois, mettre à côté de la plaque. Une marque du syndicalisme français d’aujourd’hui ? Ainsi, il y a dix jours encore, il estimait que la réponse aux gilets jaunes ne passerait "sûrement pas par le moratoire" sur l’augmentation des taxes sur le carburant mais par une "tranche d’impôt supplémentaire sur les très hauts revenus". Vertueux défenseur de la planète, il ne souhaitait pas que "le signal donné soit qu’on ne s’inscrive pas dans la transition écologique". Tout faux : sous la pression des gilets jaunes, ce n’est pas un moratoire mais carrément une annulation de l’augmentation des taxes pour 2019 qu’a décidée le gouvernement. Gilets jaunes-CFDT : 1-0.

La crise actuelle serait donc sans lien avec la question de l’immigration et de l’identité ? Laurent Berger va peut-être un peu vite en besogne. En effet, le mouvement des gilets jaunes n’est pas que revendicatif ; il est aussi l’expression d’un malaise social, sociétal qui dépasse largement les questions de pouvoir d’achat. L’écrivain Denis Tillinac, qui renifle bien l’air de province, estimait, lundi soir, chez Sonia Mabrouk, sur CNews, que la question identitaire était "sous-jacente" dans ce mouvement. Le sentiment d’être dépossédé de sa France est une réalité. La dépossession en est une aussi.

Mais Laurent Berger, comme, du reste, la plupart des responsables syndicaux français, se refuse à mettre la question de l’immigration sur la table. Et tant pis si l’immigration ne peut que tirer les salaires à la baisse. Et tant pis si le chômage de masse ne diminue pas, notamment dans les catégories les moins diplômées. Et tant pis pour l’augmentation exponentielle des dépenses sociales liées à l’immigration. Rien que pour les fameux mineurs non accompagnés, on va atteindre les deux milliards en 2019, contre 920 millions en 2017. Et le pacte "non contraignant" de Marrakech n’arrangera rien à l’affaire.

Ce serait donc "dangereux" : pour qui, pour quoi, pourquoi ? Mais Laurent Berger peut être content de lui. En effet, à l’issue des élections professionnelles qui viennent de se tenir dans la fonction publique, la CFDT est désormais le premier syndicat français (même si la CGT conserve la première place au sein de cette fonction publique). "C’est historique", a tweeté son secrétaire général. Ce qui est « historique » aussi, c’est le recul de la participation à ces élections professionnelles, qui passe sous la barre symbolique des 50 % (49,9 %, contre 52,8 % en 2014). Une victoire à la Pyrrhus pour la CFDT, qui a perdu 47.620 voix par rapport à 2014…

Donc, exit la question de l’immigration et de l’identité pour Laurent Berger. "Incongrue", estimait-il sur RTL. Comme l’a tweeté Gilles-William Goldnadel, "La question interdite ! 8 Français sur 10 pensent l’immigration trop massive mais M. Berger exige que la question ne soit pas posée ! Et si on les questionnait sur le défaut de représentativité des syndicats politisés et sur les prébendes de leurs responsables fonctionnarisés ?"

Laurent Berger déclare que "l’enjeu est clairement la justice sociale". En cela, il a raison. Mais la justice sociale ne consiste-t-elle pas à d’abord s’occuper des siens ? Par exemple, et en principe, un syndicat est fait pour défendre les intérêts de ses adhérents. La République est aussi une sorte de syndicat qui a pour mission de défendre ses adhérents qu’on appelle des Français.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois