Ce qu’il y a de bien, avec les non-dits, c’est qu’on finit toujours par les dire. En prenant son temps et en y mettant les pincettes, toutefois, tel Christophe Barbier, le 19 décembre dernier sur BFM TV, à propos de cet autre non-dit voulant que l’immigration ne soit pas pour rien dans les revendications plus ou moins avouées des gilets jaunes.

Notre fin limier, auquel rien ne saurait échapper, rend donc son verdict : « Elle est où, la France de l’immigration sur les ronds-points ? Il y a quelque chose de blanc et de rural, dans tout cela… » Extraordinaire ! Si Christophe Barbier ne l’avait pas vu, on n’en aurait jamais rien su. Que ferait-on sans lui ? C’est vrai qu’on aurait dû s’en douter, que la France de Johnny ne bloquait pas le pays, depuis un mois, au seul nom de la célébrissime « ouverture à l’autre ».(*)

À l’en croire, il y avait néanmoins des indices : ce camion empli d’immigrés clandestins, par exemple, bloqué dans la Somme par ces mêmes gilets jaunes, dont la cargaison fut illico remise aux forces de l’ordre, provoquant ainsi la fureur des ligues de vertu antiracistes. Sans négliger la concomitance du pacte de Marrakech, dont le moins qu’on puisse prétendre est qu’il n’a pas soulevé l’enthousiasme de la France périphérique.

Mais Christophe Barbier n’est pas homme à se défiler devant les enjeux : « Le moment est venu de parler de la question migratoire ! Il faut laisser sortir le jet de vapeur pour dire “vous voyez, les mauvaises idées que vous trimbalez, on va en parler sur le fond”. » Monsieur est décidément trop bon. Attention, on ne va tout de même pas, non plus, débattre de n’importe quoi avec n’importe qui ; il y a des limites démocratiques à la décence humaniste. Et l’homme-tronc d’assurer : « Chaque parti doit se mettre au clair idéologiquement et, surtout, politiquement. » S’il reconnaît au parti de Marine Le Pen une certaine « cohérence » en la matière, il reproche à la droite et à la gauche de louvoyer, de la fermeté en trompe-l’œil affichée d’un Charles Pasqua à « l’identité heureuse » d’un Alain Juppé ; du « touchepotisme » d’un Harlem Désir à une autre fermeté de façade, celle de Manuel Valls. Nul doute que tous ces gens tiendront compte de ces conseils avisés.

Non content de se montrer fin observateur de la chose publique, Christophe Barbier est, de plus, pédagogue dans l’âme, sachant qu’avant même d’entamer un débat, autant le clore tout de suite. D’où cette sentence définitive : « Sans les immigrés, notre pays s’effondre ! » Nous y voilà. Ainsi, mes confrères journalistes et myself en personne se sont longtemps posé la question de savoir pourquoi les ventes de L’Express s’étaient effondrées sous le règne de Christophe Ier. Parce qu’il s’agit d’une buse de calibre olympique ? Parce qu’il peine souvent à aligner, en un seul article, moins de trois clichés gros comme des barges de débarquement, tout en transpirant à correctement s’exprimer dans sa langue pourtant natale, le français ?

Pas du tout, et nous n’y étions pas. Si L’Express s’est vautré comme un flan, c’est seulement parce que les journalistes issus de la diversité étaient cruellement absents de sa rédaction et, plus encore, de sa direction. D’ailleurs, et ce, histoire de rattraper cette terrible boulette, que ne fait-il pas le grand ménage chez BFM TV, son nouvel employeur, en cédant la place à des représentants des minorités visibles ? Soit, pour lui, l’occasion rêvée de démontrer que les médias sont susceptibles de laver blanc plus blanc que blanc. On attend.

(*) « Pour se faire mettre, il est vrai qu’on n’a pas encore trouvé mieux », me glisse un gilet jaune de mes proches amis. Excusez la trivialité du propos, mais il s’agit d’un ancien militaire. Il lui sera donc beaucoup pardonné.

19747 vues

20 décembre 2018 à 17:55

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.