La France du Super U ne se contentera pas de belles paroles
Dans Le Figaro de mardi, Jérôme Fourquet, politologue de l'IFOP, dans un article titré "Le terrorisme au supermarché : quel impact sur l'opinion ?", reprend ce que nous écrivions dès le soir de l'attaque. Il redit la spécificité géographique et sociologique de cette nouvelle attaque de l'islamisme sur notre sol : ni haut lieu touristique ou international, ni milieu connoté religieusement, le Super U de Trèbes représente la France périphérique des petites villes dans sa vie la plus quotidienne. Loin de la France des start-up, des aéroports, des artistes, des plateaux télé, des intellectuels et de l'idéologie du "vivre ensemble".
Mais son analyse pèche par deux lacunes, deux réalités pourtant essentielles et qui vont peser lourd dans « l'impact » sur l'opinion.
D'abord, le profil des victimes du Super U. Quatre hommes. Quatre hommes en pleine force de l'âge, de 45 à 65 ans. Quatre hommes actifs ou jeunes retraités mais qui ont exercé des professions difficiles, mal reconnues, mais en prise directe avec le réel, le concret : le chef boucher du super U, un maçon, un viticulteur et, donc, un officier de gendarmerie. Ajoutons aussi que Julie, ingénieur ayant perdu son emploi, avait pris ce poste de caissière pour faire vivre sa famille. La France qui travaille pour s'en sortir. Tous étaient pères de famille, sauf Arnaud Beltrame, qui allait se marier. Et à l'exception encore du colonel Beltrame, des enfants du pays, du cru. Mais on a appris qu'il serait inhumé jeudi à Ferrals-les-Corbières dans l'Aude. Faut-il ajouter que toutes ces victimes étaient des Français blancs ? C'est cette France-là qui a été visée, sauvagement attaquée et assassinée vendredi dernier. Et délibérément. Ce n'était plus la France des célébrités de Charlie, ni la France branchée du Bataclan, c'était vraiment la France périphérique.
Ensuite, M. Fourquet termine son article par un graphique montrant l'évolution du vote Front national dans la ville de Trèbes. Éloquent : il est passé de 27 %, en 2012, à 33 %, au premier tour 2017, mais avec des pointes à 36 % aux européennes de 2014, et à 47,8 % au premier et au second tour des régionales de 2015.
Mais aidons encore un peu M. Fourquet à trouver "l'impact" de cet attentat dans l'opinion puisque nous avons un avantage sur lui : être issu de cette même France périphérique, y vivre et y travailler.
Premièrement, le vote Front national de cette France périphérique, comme à Trèbes, montre que s'il y a une catégorie de Français lucides, qui a vu progresser la gangrène islamiste à côté de chez elle, c'est bien cette France-là. Au point, au second tour de la présidentielle, de ne pas céder aux sirènes du macronisme tout neuf : 48,5/51,5. Il ne faut pas être grand prophète pour voir qu'avec cet attentat, cette France périphérique, qui a vu venir la catastrophe avant les autres et qui, aujourd'hui, la subit aussi violemment qu'injustement, comme une double ou triple peine, poursuivra sa révolte – justifiée - dans les urnes.
Deuxièmement, cette France du travail et du concret ne se laissera pas bercer de douces paroles. Ni les belles périodes du Président Macron dans la cour des Invalides, ni les trop sages propos de M. Philippe à l'Assemblée n'emporteront son adhésion.
Désormais, tout est sur la table : les causes du mal sont connues, le terreau, l'idéologie et la sociologie des terroristes islamistes aussi, les plus dangereux sont même fichés, ce qui montre que nos policiers et nos gendarmes ont, eux, parfaitement fait leur travail.
Ne manque plus que la volonté politique de passer enfin à l'action. Là est le maillon faible. Là est la faille. Toute attitude dilatoire ne fera que grossir l'abcès et préparer des lendemains encore plus explosifs. Elle décrédibilisera aussi M. Macron, et peut-être pas seulement dans la France périphérique.
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