[Film] Feuilleton : Shōgun, la nouvelle adaptation du roman de James Clavell
Quand elle fut diffusée à la télévision en 1980, la première adaptation de Shōgun, le best-seller de James Clavell paru en 1975, connut un succès retentissant à l’international. Porté par Richard Chamberlain et le grand Toshirō Mifune, acteur phare du cinéma de Kurosawa, ce feuilleton d’aventure fut sans doute l’une des coproductions américano-japonaises les plus marquantes de l’histoire de l’audiovisuel.
Quarante ans après, les sociétés américaines FX Productions et DNA Television renouvellent la recette, mais en étoffant les personnages japonais et en mettant à l’honneur leur langue, trop peu présente à leur goût dans la première adaptation – ce fut l’une des critiques adressées, à l’époque, par le public nippon.
Le récit se déroule à l’aube du XVIIe siècle au Japon, quelques mois seulement avant la célèbre bataille de Sekigahara qui vit l’avènement du shogunat Tokugawa et le début de l’époque d’Edo. Lorsque l’histoire débute, le pays est miné par les conflits entre les membres du Conseil des régents censés assurer l’ordre, et en particulier par les rivalités qui opposent les daimyos Toranaga Yoshi (inspiré du vrai Tokugawa Ieyasu) et Ishido Kazunari. Mis rapidement en minorité au sein du Conseil, Toranaga voit son destin s’assombrir lorsqu’il apprend qu’un navire néerlandais, l’Erasmus, conduit par le pilote anglais John Blackthorne (inspiré du navigateur William Adams), vient de s’échouer sur les côtes du Japon. Un événement anodin, semble-t-il, mais qui pourrait bien rebattre les cartes… En effet, Toranaga comprend au fil de ses échanges avec Blackthorne que l’Europe connaît d’importants conflits entre catholiques et protestants. Jusque-là, le Japon ne connaissait que les premiers, à travers les marchands et les jésuites portugais. Grâce au marin anglais, Toranaga apprend même l’existence du traité de Tordesillas, signé par le pape Alexandre VI (Borgia), qui divise le monde entre les zones réservées aux Espagnols et celles dévolues aux Portugais, faisant du Japon la possession des derniers – une insulte intolérable pour le daimyo.
Intrigué par le protestant Blackthorne, Toranaga choisit de le prendre sous son aile, tout en le gardant captif, et lui fait peu à peu monter l’échelle sociale, d’abord en tant que conseiller militaire, puis en tant que hatamoto (vassal), tandis que le pays commence à s’embraser et que son propre avenir est en jeu…
Tiraillé d’un côté par son désir de rentrer en Angleterre et, de l’autre, par sa fidélité au daimyo, John Blackthorne se laissera finalement guider par sa passion pour dame Mariko, sa noble traductrice qui a bénéficié autrefois de l’enseignement catholique par les jésuites portugais.
Composée de dix épisodes, cette première saison de Shōgun, disponible en intégralité sur Disney+, adapte l’ensemble du roman de James Clavell, mais son succès fut tel que les deux créateurs du feuilleton, Justin Marks et Rachel Kondo, ont d’ores et déjà obtenu le feu vert pour mettre en chantier deux autres saisons. Rien de surprenant, tant la qualité de ce récit d’aventure le distingue de la production actuelle. Élégant par son refus de la violence et du sexe gratuits, épique, flamboyant par ses costumes et décors, parcimonieux dans son utilisation des effets spéciaux, le feuilleton bénéficie, de surcroît, de dialogues finement écrits – on en prend pleinement conscience devant les traductions souvent ambiguës (ou partielles) de Mariko-sama. En outre, le casting est une totale réussite : Hiroyuki Sanada est majestueux, Anna Sawai d’une grande subtilité, Tadanobu Asano matois comme pas deux, et Cosmo Jarvis rustaud à souhait face à un environnement dont il peine à saisir les codes.
Une adaptation magnifique de Shōgun qui n’a rien à envier à la précédente.
5 étoiles sur 5
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2 commentaires
J’ai aimé le livre, tout en étant horrifiée par la description des actes de cruauté qui jalonnent le récit, le côté impitoyable et insensible des élites japonaises. Puis il y a l’espoir, toujours déçu, de cet Anglais de pouvoir rentrer chez lui. La subtilité, la perfidie de l’Orient sont sans limites et loin de ce que peuvent – de ce que pouvaient – imaginer les héros de cette saga. J’espère que cette série sera projetée un jour sur l’une de nos chaînes TV car, pour l’instant, je n’ai pas accès à sa diffusion. Merci d’en faire l’éloge car ses qualités, si rares de nos jours, rendent désirable de la voir.
Les jésuites ont toujours cette fâcheuse habitude impérialiste d’évangéliser une population légitime qui n’a rien demander au profit d’une autre. Cette adaptation a pour mérite d’avertir l’Europe du neo libéralisme et de retrouver un protectionnisme qui a également exister en France pendant un siècle. Un protestant pendant le Japon du XVII ème siècle c’est folklorique aussi. Il a certainement bénéficier d’un projet Erasmus dans le multivers. Par ailleurs, le premier protagoniste à évangéliser le Japon était Saint François Xavier. Il ne promettait pas l’anti gaullisme du traité de Lisbonne, le communisme au profit de l’identité ou son côté social France 3 Haut de France. Il ne revait pas non plus d’un festin personnel à filet de Matignon. Il était seulement dans sa belle province Versaillaise, le Daiymo de la droite macroniste ou le saint notable des Républicains qui permettra de rester encore dans L’ époque Giscard.
C’est peut-être un peu fort de café mes goûts pour un cinéma plus classique mais c’est pas ma tasse de thé vos coups de coeur. Malgré, les lectures et les films à voir, je ferai un effort.