Erdoğan : pour le coup, Bernard-Henri Lévy voit juste !
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D’aucuns se souviennent peut-être du film Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, avec Coluche et le pédant « chevalier blanc » incarné par un Gérard Lanvin frou-frou à souhait.
Il se trouve que, pour accueillir le très médiatique philosophe (et "ex-ministre des Affaires étrangères" de Sarkozy) Bernard-Henri Lévy chez "Zemmour & Nauleau", le 18 avril dernier, sur Paris Première, les concepteurs de l'émission choisirent la chanson du film. Hormis ce trait d’humour taquin, à la réflexion, je me suis dit : "Curieux, je n'y avais pas pensé..." (« On m’appelle le chevalier blanc / Je vais et vole au secours d’innocents / Qu’en la campagne résonne la poudre / Je vais et je vole plus vif que la foudre…").
Le stratège, lui aussi de blanc vêtu, a certes moins souvent essuyé la poudre - celle des champs de bataille, du moins - que la crème chantilly, et ceci, sur un seul front : le sien… Toutefois, le sujet n’est ici ni BHL, ni l’ouvrage qu’il était venu présenter (L’Empire et les cinq rois), mais une remarque de bon sens qu’il fit au cours d’un entretien de haute tenue avec Alain Finkielkraut ; nous retiendrons cependant qu’il s'inquiète, devant un certain repli américain et une absence d’Europe, selon lui, de la résurgence d’anciens empires déchus : perse, turc, chinois, russe et arabe…
À ce titre, il s’indigne également de la façon dont l’Occident, l’Europe et la France cèdent au chantage de ceux qu’il nomme « les cinq rois », parmi lesquels la Turquie d’Erdoğan, dont il cite une phrase adressée à Angela Merkel, suite aux déboires, il y a un an, de divers de ses ministres dépêchés en meeting en Allemagne et aux Pays-Bas : "À partir d’aujourd’hui, pas un Européen ne sera en sécurité dans aucune rue du monde." Véritable appel au terrorisme contre les Européens, selon BHL, qui ne comprend pas l’absence de procédure d’expulsion de la Turquie de l’OTAN pour l’occasion.
C’est oublier, également, qu'Erdoğan traita allègrement l’Allemagne et les Pays-Bas de nazis, à un moment où l'Europe souffre, au contraire, de délires judiciaires « droit-de-l’hommistes ». Dernier exemple en date, à en croire le Telegraaf du 24 avril : un ancien garde du corps de Ben Laden, d’origine tunisienne, vit tranquillement comme réfugié politique aux crochets de l’État Allemand, bénéficiant de 1.150 euros de revenus mensuels, son extradition vers la Tunisie ayant été refusée au motif de « risques de traitements inhumains ». Plutôt humains, pour des nazis, ces Allemands… Je partage donc absolument le sentiment de BHL à l'égard d’Erdoğan, à ceci près, sans doute, que nous n’avions nullement attendu le philosophe et son génial ouvrage pour nous faire une idée juste… Il y a un an, c’était dans le cadre d’un référendum visant à renforcer les prérogatives du sultan du Bosphore : voilà qu’aujourd’hui, il se propose, devant "l’urgence de la situation en Syrie et en Irak", d’avancer au 24 juin 2018 des élections présidentielles et législatives prévues initialement en novembre 2019 !
Et le voilà reparti en campagne... contre ses amis européens. Jugez plutôt :
dans une interview à la chaîne NTV (turque), le sultan a promis qu’il s’inviterait quelque part en Europe dans une salle pouvant accueillir au moins 10.000 personnes. Le Premier ministre néerlandais (Mark Rutte) ainsi que l’Autrichien Sebastian Kurz ont, tous deux, prévenu qu’ils ne souhaitaient pas d’intervention d’officiels turcs sur leurs territoires respectifs. Et le ministre aux Affaires européennes turc d’insulter chaleureusement ces derniers : « Il est clair [qu’ils] ne s’appuient pas sur des principes démocratiques en prenant ces décisions » et « qu’ils contribuent au développement des mouvements politiques racistes » […]. « Anti-démocratique » ?
Mais qui, il y a des années de cela, a défini ainsi la démocratie : "La démocratie, c’est comme l’autobus : au terminus, tout le monde descend" ? Erdoğan était son nom.
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