Xavier Driencourt, auteur du livre L'Énigme algérienne. Chroniques d'une ambassade à Alger, a été ambassadeur de France en Algérie de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020. En octobre 2022, dans une entretien à Boulevard Voltaire, il déclarait : « Avec Alger, seul le rapport de force compte ». Propos réitérés au Point, ce 24 mai. Pour BV, Xavier Driencout enfonce le clou.

Gabrielle Cluzel. Xavier Driencourt, dans un entretien accordé au Point, il y a quelques jours, vous demandez avec la plus grande force que l'on revienne sur l'accord franco-algérien de 1968 accordant des droits d'entrée exorbitants (dans tous les sens du mot) aux Algériens désireux de venir en France. Pourtant, ce n'est pas du tout à l'ordre du jour de la loi Immigration. Pourquoi est-il si important, selon vous, de revenir sur ces accords et pourquoi le gouvernement est-il si réticent ?

Xavier Driencourt. L’idée de revoir, renégocier ou dénoncer l’accord franco-algérien de 1968 n’est pas une idée très répandue car peu de personnes connaissent, finalement, cet accord. Pourtant, ces textes sont publics et publiés au Journal officiel, les préfectures les appliquent. Mais en raison, d’une part, de l’ancienneté de cet accord qui a été négocié dans un tout autre contexte politique, économique et social de celui que nous connaissons aujourd’hui (les fameuses Trente Glorieuses) et, d’autre part, du fait de la primauté des accords internationaux sur les lois, il y a, dans le débat sur l’immigration, un « angle mort » qui concerne l’immigration algérienne. Celle-ci, paradoxalement, n’est pas ou très peu concernée par notre dispositif législatif puisque elle ne dépend que de l’accord franco-algérien de 1968, ainsi que le rappellent les juges. D'ailleurs, la dénonciation d'un accord bilatéral ne relève pas de la loi mais d'une décision gouvernementale.

G. C. Toujours dans Le Point, vous dites que les Algériens « se rient de notre naïveté ». Vous l'avez constaté lorsque vous étiez ambassadeur ? Pouvez-vous nous donner des exemples précis ?

X. D. Je veux dire par cette formule, peut-être excessive, que les autorités algériennes connaissent parfaitement notre embarras sur le dossier de l’immigration algérienne. D’un côté, elles suivent de près et connaissent bien les débats, les polémiques en France sur la question migratoire et, de l’autre, elles doivent s’étonner que le gouvernement ou les hommes politiques français ne songent pas ou n'aient pas déjà envisagé de dénoncer cet accord qui les concerne au premier plan. En ce sens, les Algériens doivent rire ou, au moins, sourire de notre pusillanimité. Et évidemment, si j'en crois la presse algérienne, c'est, depuis quelques jours, un concert d'indignations, comme si Alger découvrait la question !

G. C. Vous évoquez l'Algérie, mais le problème de l'immigration en France n'est pas seulement celui de l'immigration algérienne. Au-delà de ces accords spécifiques, quel plan Marshall de l'immigration préconisez-vous ? Et comment expliquez-vous une si grande pusillanimité du gouvernement dans ce domaine alors que, contrairement à la réforme des retraites, une majorité massive de la population serait derrière lui s'il allait plus avant ?

X. D. Je n’ai pas de compétence particulière sur la question de l’immigration en général, qui est complexe et qui ne concerne pas que l’Algérie. Il m'est donc difficile de répondre à votre question. Mais je pense que, sur l’Algérie, tous nos politiques, de droite comme de gauche, sont embarrassés car, plus que d’autres pays, l'Algérie, c’est autant de la diplomatie que de la politique intérieure. On peut légiférer sur l’immigration en général quand elle concerne des pays avec lesquels nos liens sont lâches ou très peu étroits, mais dès qu’on aborde la question algérienne, les choses deviennent plus compliquées, en raison de nos liens avec ce pays et à cause de son poids dans notre politique intérieure. Par voie de conséquence, dès que l’immigration algérienne est en cause, nous préférons finalement ne pas traiter le problème au fond par crainte de soulever d’autres questions. De la sorte, nous pratiquons sur ce dossier une certaine forme d’autocensure.

L'angle mort dans notre politique migratoire, tel que je le décris, est, en ce sens, un véritable problème politique et diplomatique. J’en arrive à la conclusion qu’il faut soit renégocier soit dénoncer l’accord de 1968.

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29 mai 2023 à 21:18

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47 commentaires

  1. Toute l’Afrique est libre et  » décolonisée » depuis au moins 50 ans et depuis les despotes s’y succèdent ! Alors que les peuples se débrouillent avec leurs dirigeants comme les Européens l’ont fait au cours des siècles et surtout, surtout restent chez eux !

  2. L’Hymne algérien, le seul au monde qui menace un autre pays:
    #
    Ô France ! le temps des palabres est révolu
    Nous l’avons clos comme on ferme un livre
    Ô France ! voici venu le jour où il te faut rendre des comptes
    Prépare-toi ! voici notre réponse
    Le verdict, Notre révolution le rendra
    Car nous avons décidé que l’Algérie vivra
    Soyez-en témoin ! Soyez-en témoin ! Soyez-en témoin !

  3. Il faut fermer nos frontières à toute l’Afrique ,la France est en train de changer de couleur ,dans quelques dizaines d’années les Français Français seront minoritaire dans notre pays .

  4. Il y a d’autres accords plus anciens, que pour l’essentiel, la France a été la seule partie à appliquer qui seraient a supprimer: les supposés « accords d’Evian » qui pourrissent depuis plus de soixante ans les relations entre les deux pays et que les algériens n’ont jamais eu l’intention de mettre en pratique!

  5. Donald Trump a répondu a Macron qui lui parlait de l’Algérie :  » Vous voyez ou les relations exceptionnelles entre la FRANCE et l’Algérie ? Il y a 20000 Français en Algérie et il y a près de 6 millions d’Algériens (recensés) en FRANCE .Pourquoi la tolérance doit-elle être l’ouverture a certaines cultures qui sont fermées aux nôtres . D’ou vient ce plan sadique d’algérisation de la FRANCE ?  » … « L’ Algérie est une invention Française n’a ni histoire , ni culture , ni identité , ni patrimoine , ni papier et ce n’est pas une civilisation  » ….( Charles de Gaulle)

  6. Un accord international , comme un traité , comme une loi , reflète un état de la société à un moment donné , quand la situation de la société change , l’accord international , le traité ou la loi , doivent être modifiés.
    Quel est le nombre d’algériens qui vivent en France ? le problème est là le nombre , ils votent en France , et si on les contrarie ils ont une religion qui leur donne tous les outils pour nous combattre avec violence.

  7. Qu’un élu, de surcroît au poste suprême, accuse son propre pays de crimes contre l’Humanité ne peut qu’accentuer l’agressivité de populations dont la culture méprise les faibles et ne respecte que les forts…Alors, assez de négociations ! Dénoncer l’accord de 1968 et prendre enfin les mesures adaptées à la catastrophe migratoire s’imposerait à n’importe quel individu responsable! Hélas, dans l’équipe actuelle…

  8. Enfin une évidence, qu’attendre d’un pays dont les dirigeants ne cessent de médire de notre pays et d’agir en conséquence alors que nous ne cessons de courber l’échine. Notre président l’a fort heureusement exprimé : la France est une rente pour l’Algérie. Peut-être serait-il grand temps d’équilibrer les rapports.

  9. Le drame pour nous, ça a été les accords d’EVIAN ou on a « filé tout le SAHARA au FLN, alors que les Algériens ne souhaitaient que le nord de l’Afrique. Nous avons ainsi lésé le MAROC et la TUNISIE, ainsi que les nations SUB-SAHARIENNES. Mais surtout nous aurions dû créer un Etat pour les TOUAREGS qui ne sont pas Musulmans ni polygames et dont les Chefs de Familles sont les femmes. Aujourd’hui, les pauvres Touaregs sont victimes surtout de l’ISLAM.
    De Gaulle s’est fait « berner » par son négociateur!!

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