Ce qu’il y a de terrible, avec l’idéologie, c’est qu’elle empêche de voir ce qui, dans la réalité, est en contradiction avec elle. Le Président sortant et son ministre de l’Éducation nationale sont très fiers de leur bilan en matière d’enseignement. Réforme des rythmes scolaires, réforme du collège, revalorisation des enseignants, tout trouve grâce à leurs yeux quand tous les principaux intéressés (communes, parents, enseignants) leur répètent à l’envi que rien ne va. Il en va de même pour la formation des professeurs.

Sous l’ère Sarkozy, plus de formation. Les jeunes enseignants, à peine sortis du concours, étaient plongés à temps complet dans les classes. C’était un peu rude mais, au moins, ne subissaient-ils plus les IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) de triste mémoire.

Avec M. Peillon, premier ministre de l’Éducation de l’ère Hollande, fut rétablie une formation des enseignants. Mais, promis-juré, on ne retomberait plus dans les erreurs des IUFM. Furent donc créées les ÉSPÉ (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation). Dans les mêmes locaux, avec les mêmes formateurs, imprégnés du même pédagogisme. Les mêmes causes produisant les mêmes effets (loi connue depuis l’Antiquité mais que n’ont pas encore découverte les hiérarques de l’Éducation nationale), les ÉSPÉ ont renoué avec les travers des IUFM : infantilisation des stagiaires, verbiage idéologique masquant mal une grande pauvreté intellectuelle des intervenants, volonté de formatage, cours en décalage avec la réalité du terrain, etc.

C’est ce qui a poussé les professeurs stagiaires de Grenoble à se mettre en grève. Remarquons le courage d’une telle action : ces enseignants ne sont que stagiaires et leur titularisation dépend pour une grande part des intervenants de l’ÉSPÉ contre lesquels ils protestent. C’est dire le niveau d’exaspération d’adultes, ayant réussi de difficiles études supérieures et un concours très sélectif, qui sont les meilleurs de leur génération dans leur discipline, plongés dans un univers orwellien où la conformité idéologique à une pensée unique compte plus que la valeur académique, et traités comme des collégiens.

Face à cette grève, la direction de l’ÉSPÉ est dans le déni. Plutôt que de se remettre en cause (ce que tout enseignant fait régulièrement, surtout s’il constate l’échec de son enseignement), elle minore le nombre de grévistes. Mais il est vrai que lorsque les conceptions d’un idéologue sont en contradiction avec la réalité, celui-ci préfère nier la réalité.

L’actualité chargée, entre élections, guerres en tout genre et terrorisme, laissera dans l’ombre cette action. Pourtant, elle est essentielle : à travers la question de la formation des enseignants, c’est la question de l’instruction de nos enfants qui se joue.

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12 avril 2017 à 18:35

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