Emmanuel Macron et la liberté de la presse : ni pour ni contre, bien au contraire !

Capture d'écran ©LCI
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À l’occasion d’une conférence de presse tenue à Beyrouth, ce mardi 1er septembre, Emmanuel Macron s’est publiquement emporté contre Georges Malbrunot, journaliste au Figaro. Ce qui est reproché à l’un de nos meilleurs experts en matière de géopolitique orientale ? D’avoir tout simplement écrit que des sanctions seraient prises contre les responsables politiques libanais si, d’aventure, les exigences de l’Élysée n’étaient pas suivies d’effets tangibles.

Soit une sorte de secret de Polichinelle, sachant que si les responsables en question ont si vite plié, ce n’était pas forcément pour les beaux yeux du Président. Lequel s’est donc exclamé : « C’est irresponsable pour la France, irresponsable pour les intéressés et grave d’un point de vue déontologique. » Ah bon ? Et le même de poursuivre : « Vous m’avez toujours entendu défendre les journalistes, je le ferai toujours. » Sauf ceux de Valeurs actuelles, manifestement.

Mais il en faut plus pour bousculer un Georges Malbrunot qui, ayant été pris en otage plus de quatre mois durant par l’Armée islamique en Irak, en 2004, avec son confrère Christian Chesnot, en a vu d’autres. La preuve par ce commentaire laconique : « Je suis très surpris de la virulence de cette attaque, qui est inacceptable et à laquelle j’ai répondu. Je me suis expliqué avec l’Élysée. Pour moi, l’incident est clos. »

Certes, les rapports entre les Présidents de la Cinquième et la presse ont toujours été complexes. Valéry Giscard d’Estaing avait le procès facile ; le général de Gaulle aussi, mais c’était de Gaulle. François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy traitaient le problème par une souveraine indifférence. Et Emmanuel Macron ?

Là, c’est un peu différent. Durant la campagne et les premiers mois de son mandat, la quasi-majorité des médias s’esbaudissait devant tant de jeunesse et d’énergie : il est vrai qu’il passait derrière François Hollande, ceci expliquant probablement cela. Ce dernier s’épanchait au-delà du raisonnable, tel qu’en témoigne cet invraisemblable ouvrage d’entretiens réalisé avec Gérard Davet et David Lhomme, du Monde, et très pertinemment titré Un Président ne devrait pas dire ça..., dans lequel il déballe des secrets relevant de la raison d’État.

Au début de son quinquennat, Emmanuel Macron a fait tout le contraire, entendant rehausser la parole présidentielle en la faisant rare ; d’où, peut-être, un début de désamour avec le fameux quatrième pouvoir. Mais cette verticalité du pouvoir jupitérien n’a guère duré plus longtemps qu’un été, et on le voit désormais plus souvent en une de Voici que du Monde. Hormis l’épisode Malbrunot, cette perte de contrôle a, une fois encore, éclaté au grand jour durant cette même conférence, quand il n’a pas hésité à déclarer : « J’ai juste à dire qu’en France, on peut critiquer des gouvernants, un Président, blasphémer. »

Une phrase prononcée en un Orient où les religions, quelles qu’elles soient, représentent bien plus que de simples options privées, et ce, au moment de s’envoler vers l’Irak, on dira que le temps et le lieu ne sont pas tout à fait opportuns. Pis : ce droit au blasphème ne semble pas pouvoir s’exercer aux dépens d’une Danièle Obono, députée de La France insoumise, à laquelle il a personnellement téléphoné pour lui faire part de son soutien et de sa « condamnation claire de toute forme de racisme » ; ce qui n’engage certes pas au-delà du déraisonnable.

Bref, d’un côté, Emmanuel Macron entend sanctuariser la liberté d’expression, tandis que de l’autre, il prétend rabrouer tel journaliste du Figaro tout en condamnant une rédaction entière, celle de Valeurs actuelles. Et le tout en plein procès Charlie Hebdo, sur fond de cette même liberté d’expression.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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