L'élection passée, revoilà les sondages. Et, pour Emmanuel Macron, ils ne sont pas bons. C'est tout le paradoxe d'Emmanuel Macron et de cette élection introuvable. Il a accompli un exploit inédit dans la Ve République : être le premier Président sortant à être élu deux fois au suffrage universel direct hors cohabitation, et avec des scores élevés. Et pourtant, il est le Président élu le plus impopulaire depuis trente ans en début de mandat, selon le baromètre Elabe pour Les Échos publié vendredi. En effet, seuls 34 % des Français lui accordent leur confiance, un chiffre en baisse de 4 points sur un mois. « Absence totale d'état de grâce », commente le quotidien. Même le Jacques Chirac de 2002 faisait nettement mieux : 53 % ! Même le sondeur Bernard Sananès, cité par Les Échos, en est tout retourné : « Ce qui est saisissant, c'est le paradoxe entre le large succès dans les urnes et la faible confiance que lui accorde le pays. Même sans état de grâce, on aurait pu imaginer que la victoire fasse remonter un peu sa cote. Ce n'est pas le cas. »

Les causes sont connues : un duel de second tour dont les Français ne voulaient pas, un vote « barragiste ».

Les conséquences ? À long terme, si l'on regarde en arrière, les seconds mandats des Présidents réélus se sont souvent mal terminés, même quand ils partaient de plus haut : de Gaulle écourtera le sien en 1969 après un référendum perdu, Mitterrand fera subir à son camp sa pire défaite électorale en 1993 et Jacques Chirac finira en 2007 en roi fainéant contesté dans son propre camp par un Nicolas Sarkozy conquérant.

Dans l'immédiat, pourtant, tout paraît simple pour Emmanuel Macron. Avec une opposition scindée en deux et dont la partie droite se paie le luxe d'être elle-même divisée, obtenir sa majorité parlementaire devrait être une formalité. Même Jordan Bardella en est convenu, sur franceinfo. Son seul souci est le choix du nouveau Premier ministre. Trop à gauche, il redonnerait du mordant à la droite et éloignerait les ralliés de la onzième heure. Trop à droite, il braquerait ses électeurs barragistes et les pousserait vers Mélenchon. Trop brillant, il pourrait devenir un rival. On comprend qu'il puisse hésiter.

Donc, après une présidentielle introuvable, la France risque de se retrouver avec une Chambre introuvable (et élue, comme il y a cinq ans, par moins de 50 % des inscrits) et, aussi, une opposition introuvable. Cela commence à faire beaucoup, pour une démocratie. Surtout dans une période où la guerre en Europe, une crise économique et financière qui fait plus que frapper à la porte et un délitement continu de nos institutions et de notre société ne sont plus des fantasmes.

Le Président fraîchement réélu et investi, ce samedi 7 mai, aimerait bien prolonger l'immobilisme ambiant - pardon : la « décantation » - et continuer à rouler en Castex jusqu'aux législatives. Dans un pays à cran - et introuvable -, un nouveau Premier ministre trop entreprenant peut vite compromettre une majorité assurée : on se souvient que l'idée de la TVA sociale lancée par Fillon et Sarkozy en juin 2007, juste avant les législatives, leur avait coûté une cinquantaine de députés. On admirera aussi la retenue d'Emmanuel Macron lui-même. La stratégie de l'enjambement lui a parfaitement réussi. Arthur Berdah, dans Le Figaro, a recueilli cette confidence d'un macroniste du premier cercle : « Là encore, comme pour la présidentielle : notre meilleure campagne, c’est celle des autres. »

Le nouveau mot du macronisme version 7 mai 2022, c'est, justement, le mot "nouveau" : « Ce peuple nouveau, différent d’il y a cinq ans, a confié à un président nouveau, un mandat nouveau », a dit Emmanuel Macron lors de son discours d'investiture. Pour ma part, je maintiens ma traduction de ce non-sens : peuple introuvable, président introuvable, mandat introuvable.

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07 mai 2022 à 13:22

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72 commentaires

  1. « Il a accompli un exploit inédit dans la Ve République : être le premier Président sortant à être élu deux fois au suffrage universel direct hors cohabitation, et avec des scores élevés. » Je ne vois pas où est l’exploit. Faute d’élections intermédiaires, Macron ne risquait pas une cohabitation.

  2. Ce n’est pas l’état de grâce. Comme le titrait un album du regretté Jacques Faizant en 1982 (consacré à Mitterrand), c’est « l’état de grince ».

  3. Ses discours sont une succession de mots sans queue ni tête. Un  » peuple nouveau « . Nouveau en quoi ? Ça ne veut rien dire. Il s’écoute parler et essaye de nous endormir.

  4. Le peuple de France n’est plus que l’ombre de ces gaulois, francs, Valois et Bourbons qui ont façonné le pays. Un sursaut a la révolution, en 14 puis en 42 et puis plus rien, la course au mercantilisme et aux loisirs a tué son esprit de résistance. Preuve ce matin au monument aux morts de mon village, des anciens, des élus et le CMJ alors que les canons grondent a nos portes on aurait dû les voir se grouper pour dire stop.

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