Édouard Philippe a-t-il été un bon maire ?

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M. Phillipe, le nouveau Premier ministre, a-t-il été un bon maire ? Selon M. Lainée, qui a expertisé les finances du Havre, la ville vit au-dessus de ses moyens : en sept ans, on a construit une piscine, une bibliothèque et une salle de spectacle, donné un coup de fraîcheur aux quais, bâti un stade pour 100 millions d'euros et introduit le tram.

Cette gestion est d’un classicisme absolu. Toutes les agglomérations de même taille se sont dotées des mêmes équipements (et ont commis les mêmes erreurs !). Le stade est emblématique de ces dérives désolantes et récurrentes. Prenez une ville avec une équipe de foot qui, de temps à autre, se retrouve en L1. Pendant cette période faste, on estime indispensable de bâtir un stade neuf alors que la rénovation de l’ancien coûterait 20 fois moins et serait suffisante. Alors qu’on pourrait limiter les frais, le stade est systématiquement mis aux normes UEFA pour une plus qu’hypothétique Coupe d’Europe. L’équipement est censé se financer tout seul, ce qui est faux, même si le club restait en L1, mais très vite ce dernier descend en L2 (ou, pire, disparaît !). La redevance payée par le club diminue drastiquement (si elle existe encore), les spectateurs sont peu nombreux (en moyenne 8.500 au Havre en L2 ; une misère !). Chaque contribuable débourse 9.000 € sur 15 ans et, souvent, ne va jamais au foot ! Les salles de spectacle ou de congrès sont une gabegie du même ordre. Elles sont surdimensionnées et coûtent une fortune à construire et à entretenir. Comme toutes les agglomérations en sont équipées et que le nombre d’événements est réduit (qui peut débourser 50 € par mois pour voir un chanteur ?), ces équipements sont le plus souvent vides ; une catastrophe financière !

Le tram est utile, mais sa construction dure trois ans et entraîne nombre de faillites de commerçants. En outre, les rails, en réduisant la chaussée, chassent les automobiles. Du coup, faute de clients, beaucoup de boutiques du centre-ville ferment.

Pour financer ses dérives, M. Philippe a mis à contribution l’agglomération (les habitants des communes périphériques ont été « rackettés » pour financer les équipements de la grande ville). Néanmoins, la dette explose (1.600 € par habitant, 9,6 années pour se désendetter). Ce n’est pas encore catastrophique, mais on considère qu’il y a alerte lorsqu’il faut plus de huit ans pour épurer ses emprunts. Les successeurs de M. Philippe devront faire attention. Ils auront trois leviers : ne plus investir, ou du moins éviter les équipements de prestige, réduire la charge salariale (facile à dire, difficile à mettre en œuvre) ou la voie de la facilité, augmenter les impôts locaux (M. Philippe avait juré de ne pas accroître la pression fiscale, mais il s’en va...).

M. Philippe a finalement été un gestionnaire banal, ni pire ni meilleur que la grande majorité de ses collègues. Comme eux, il a été atteint de la folie de grandeur propre à beaucoup de municipalités. Fera-t-il de même à la tête de la France ?

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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