DVD : L’Au-delà et L’Enfer des zombies, Lucio Fulci ou la poésie du macabre
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Ami des Tuche et/ou d’Arnaud Despleschin, passe ton chemin, cet article ne te veut pas forcément que du bien. Car ici, c’est du grand Lucio Fulci qu'il s’agit. Mais qui est Lucio Fulci ? Tout simplement l’un des cinéastes italiens les plus étranges de ces dernières décennies.
Rembobinons. Né en 1927, notre homme opte pour le septième art, après des études de médecine très vaguement concluantes. Ayant ensuite exercé tous les métiers qu’il est possible d’imaginer sur un plateau de cinéma, il réalise son premier film en 1959. Pendant près de vingt ans, il vole de succès en succès, en tant que metteur en scène quasi attitré du duo Franco Franchi et Ciccio Ingrassia, véritables stars là-bas, dont la gloire frisant parfois la trisomie lourde n’a heureusement jamais franchi les Alpes, au contraire d’Hannibal ; comme quoi Dieu existe.
Divine surprise, en 1971, Lucio Fulci signe un polar superbe – un giallo, comme on dit dans la langue de Dante et d’Adriano Celentano –, affublé de l’un des plus beaux titres de films au monde : Le Lézard à la peau de femme. Mais ce n’est que huit ans plus tard qu’il accède à la renommée mondiale avec L’Enfer des zombies, bientôt suivi de Frayeurs, puis de L’Au-delà. Soit une sorte de trilogie vénéneuse propre à renvoyer les gentils petits cauchemars de Luis Buñuel, de son copain Salvador Dalí et de son Chien andalou au magasin des accessoires.
En effet, Lucio Fulci abandonne ici ce qui faisait autrefois sa renommée, dans des bijoux noirâtres tels que L’Emmurée vivante, autre giallo machiavélique, et Les Quatre de l’apocalypse, l’un des derniers grands westerns italiens avec, bien sûr, le Keoma, d’Enzo G. Castellari : une narration serrée à la logique quasi mathématique. Pour cette trilogie, seule compte désormais l’ambiance, prenante, poisseuse, irréelle. Dans L’Enfer des zombies, nous sommes dans les Antilles. Dans L’Au-delà, en Louisiane. Le vaudou est ici convoqué et les fantômes des conquistadores avec. Là, plus de tentative d’explication rationnelle à des phénomènes qui ne le sont pas, mais juste une plongée en apnée dans un inconnu onirique.
À propos de L’Au-delà, le maestro explique : « J’avais beaucoup étudié Antonin Artaud avant qu’il ne devienne à la mode en Italie. Ce film, comme la plupart de ceux que j’ai réalisés, est un concept artaudien. C’est un film sans intrigue : une maison, des hommes et des morts qui viennent de l’au-delà. Il n’y a pas de logique à chercher dans ce film qui n’est qu’une suite d’images. » Mais quelles images, aussi ! Quelque part entre Giorgio De Chirico et Jérôme Bosch, à croire que Lucio Fulci se montre ici plus peintre que cinéaste.
Cette œuvre hors du commun, longtemps ignorée ou méprisée, a commencé à être remise à l’honneur il y a plus de dix ans ; en France, il va de soi, notre patrie étant aussi celle de la cinéphilie, fût-elle déviante. Les défuntes éditions Neo avaient entamé ce bel ouvrage, nos confrères d’Artus Films, auguste maison souvent citée en ces colonnes, achèvent de le perpétuer. Et de quelle manière ! L’Enfer des zombies et L’Au-delà sont désormais disponibles en des copies sublimes – en version intégrale, SVP, scènes gore à l’époque censurées incluses –, en DVD comme en Blu-ray. Et pour que le bonheur soit total, chaque film est accompagné d’un copieux livre frôlant les cent pages, l’un concernant les zombies dans le cinéma italien et l’autre l’imaginaire de la Louisiane dans le cinéma fantastique mondial. Il y a donc là à voir autant qu’à lire, même si, le lecteur l’aura évidemment compris, tout cela n’est pas destiné aux âmes sensibles, même si foutrement beau. Ça fait plaisir de voir que, chez nous, il y a encore des artisans, ceux d’Artus, capables de rendre hommage à d’autres artisans, tel Lucio Fulci.
Après, on est toujours libre de préférer les Tuche ou les pochades d’Arnaud Despleschin. Une sorte de choix civilisationnel, dira-t-on.
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