Dr Bertrand Legrand : « 7 jours, c’est trop court ! Le gouvernement abandonne l’idée de limiter la propagation de l’épidémie ! »

dr bertrand legrand

Réaction du Dr Legrand aux annonces de Jean Castex, vendredi soir. Il explique que le gouvernement a « franchi un tournant idéologique » et donne des explications sur la nécessité d'une vraie quatorzaine.

 

Avec une demi-heure de retard, Jean Castex s’est adressé ce soir aux Français. On attendait le grand discours, mais finalement il n’a pas annoncé grand-chose à part le recul de 14 à 7 jours en ce qui concerne la mise en quarantaine. Concrètement, que fallait-il lire derrière le discours de Jean Castex ?

Derrière le discours de Jean Castex, il y a un tournant idéologique qui a été franchi. Ce tournent idéologique est très simple. On abandonne et on déserte la bataille de la contamination. Jusqu’à présent, on essayait de limiter la contamination avec de multiples erreurs comme l’ouverture sans prescription des tests et l’abandon du tri par les médecins généralistes. Maintenant, on nous dit carrément et tout simplement qu’on n’essaiera pas de limiter la propagation de l’épidémie. L’État ne fera strictement rien pour vos auditeurs de manière à limiter la contagion.
Sept jours, c’est trop court. On est fortement contaminant à 90 % dans les sept premiers jours. Il reste 10 % de contagion après. Je vous rappelle que scientifiquement parlant, ce n’est pas sept jours après le début de la maladie, mais sept jours après la fin des symptômes. Cela n’a rien à voir.

On a l’impression que cette seconde vague n’est pas aussi terrible que ce qui avait été annoncé.
Pour beaucoup de Français, l’État en fait peut-être trop.

Je comprends très bien cette image-là. Il est très compliqué à comprendre de ne pas avoir de morts à hauteur du nombre de contaminés. En mars, nous n’avions aucune idée du dessous de l’iceberg. Aujourd’hui, on est en train de tester un iceberg complet. On ne sait pas du tout si l’iceberg d’aujourd’hui est d’une taille équivalente, inférieure ou loin de la taille de ce qui nous avons connus quand les décès et les réanimations sont arrivés. Nous n’avons aucune idée.
L’État n’a fait aucune investigation pour savoir quel était le niveau d’incidence de la maladie quand tout a dégénéré. Nous ne savons donc pas du tout à quel moment cela dégénérera.
En revanche, nous avons quand même une nouveauté très claire donnée par un infectiologue allemand. Il est très reconnu pour ce qu’il a fait en Allemagne. Il nous a confirmé ce que je vous avais déjà dit, c’est à dire le caractère cumulatif, l’importance de la dose de départ que l’on prend. Si vous dormez sur le toit de Tchernobyl ou si vous faites juste une radio, ce n’est pas la même chose. Dans le cadre du Covid, c’est pareil. Si vous prenez une dose avec un contact, ce n’est pas du tout pareil que si vous avez cinquante doses dans la journée. C’est cela qui fera la bascule.
Personne ne peut le savoir !

Est-ce en fonction de la gravité de l’exposition virale initiale ?

Exactement. C’est pour cette raison que l’enjeu est de se battre avant d’arriver à un moment où la densité des malades est trop importante. Aujourd’hui, nous sommes dans la période où il faut se battre, mais pas déserter. Nous ne sommes pas dans la France de Pétain, mais dans la France de de Gaulle. Si l’État abandonne, c’est à nous de nous battre et de continuer le combat. Je n’ai pas envie de perdre un seul de mes malades. Je n’ai pas envie de perdre 10 % des gens que je vais contaminer en me disant «  j’ai sauvé 9 membres de ma famille sur 10, ce n’est pas grave pour le 10e. Je veux sauver les 10 membres de ma famille et pas 1 sur 10. Je ne suis pas prêt à accepter une seule contamination.

Vous rappeliez l’importance des généralistes dans ce combat-là. En quoi est-ce que les généralistes peuvent faire le travail de base ? Visiblement les labos qui testent ne peuvent pas faire ce travail.

Nous, on examine le patient. Quand votre enfant a juste une angine, on regarde ses amygdales et on s’aperçoit qu’il n’en a pas, les signes de l’angine sont à ce moment-là les signes d’un Covid.
Si un patient vient pour une bonne céphalée et qu’à la percussion on ne voit strictement rien, c’est plutôt signe d’un Covid et non une sinusite. Si jamais on a une diarrhée et pas de vomissements, on va savoir que c’est plutôt les signes du Covid plutôt que d’une gastro. Le savoir-faire de l’examen clinique nous permet de dire «  vous pensez que c’est une petite maladie, mais non ». On va donc être précautionneux.
Aujourd’hui, on m’a donné 30 tests et on m’a dit que c’était les seuls que j’aurai jusqu’à samedi midi. Avec ces tests, j’ai dû tenir pour la centaine de patients qui est venue dans mon cabinet où nous consultons à plusieurs médecins. J’ai fait le tri entre mes patients. J’ai vu un patient qui avait été à l’école, sa classe avait été mise en isolement depuis un certain nombre de jours, j’ai compté le nombre de contacts supplémentaires que je pourrais découvrir en le testant. Lorsqu’il y avait 5 ou 10 contacts, j’ai préféré ne pas le tester et à la place tester quelqu’un qui avait 30-40 ou 100 contacts à informer. C’est cela le rôle du médecin généraliste. C’est extrêmement difficile parce que vous devez informer votre patient et lui dire clairement les choses.

Énormément de parents font remonter des témoignages. Ils ont été obligés de quitter leur travail parce que la crèche a refusé leur enfant qui avait le nez qui coulait un peu.
Cela ne participe pas à la relance du pays. On continue de bloquer les gens pour sans doute de fausses alertes.

Il y a un prix à la guerre. On subit tous ce coût. Si on se bat dans une guerre c’est pour la gagner, pas pour déserter en plein milieu de la bataille. Oui, effectivement, chacun des Français est responsable et va y payer son tribut. C’est fini le temps où l’État venait en subside de tout.
Aujourd’hui, on n’a plus d’État parce qu’il est surendetté et on devoir se débrouiller tout seul. N’attendez pas que l’État vous protège puisqu’il ne l’a toujours pas fait pour les médecins.
Se protéger nous-mêmes c’est aussi empêcher la contamination. Bien évidemment, c’est un sacrifice et c’est dur. Moi, ce soir, je vais dire à mon gamin qu’il ne pourra pas aller à l’anniversaire de telle copine parce qu’il va y avoir trop de monde donc trop de risques...

Dr Bertrand Legrand
Dr Bertrand Legrand
Médecin généraliste à Tourcoing, fondateur de l'observatoire du Tiers payant, secrétaire général CSMF 59-62, fondateur de Vitodoc

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