« Avec la désertification médicale dans les départements ruraux, on est en train de perdre un maillage territorial indispensable. »

Le maire d'un village du Lot-et-Garonne s'alarme du départ d'un médecin installé depuis à peine trois semaines. Il s'inquiète aussi de la disparition des autres services et met en garde contre cet abandon de l'État - un très mauvais calcul à moyen et long terme.

Pierre Sicaud, vous êtes maire de la commune de Castillonnès, une commune de 1.500 habitants à quelques kilomètres de Villeuneuve-sur-Lot. Craignez-vous que votre ville devienne un désert médical après le départ, il y a quelques jours, d'un des deux médecins de votre ville ?

Oui, tout à fait. Depuis de longues années, Castillonnès et le canton représentaient environ 4.000 habitants. Nous avions toujours trois médecins.
Il y a deux ans, un des trois médecins a pris sa retraite. Il ne restait donc que deux médecins. Aujourd'hui, nous avons également un médecin qui est en âge de prendre sa retraite. Le calcul est vite fait : il n'en restera plus qu'un.
Notre inquiétude est de voir ce médecin unique dans la difficulté pour pouvoir soigner toute la population.

Que reprochez-vous à l'État ?

Je ne pense pas que le retrait des services publics soit l'affaire de Castillonnès uniquement. Dans toute la France, on voit que tout se rassemble autour des sous-préfectures et des chefs-lieux d'arrondissement. En ce qui nous concerne, je vois bien que nous allons avoir un rassemblement de tous les services au niveau des villes comme Bergerac, Villeneuve, Agen, Auch, Périgueux et, plus haut, Limoges. Qu'ils soient services d'État, départementaux, commerces, artisanat et industrie, et au milieu, nous n'allons plus rien avoir. Il va falloir se débrouiller.
Pour en revenir aux médecins, depuis des années, on nous avait dit qu'on augmenterait le numerus clausus. Si cela est vrai, j'aimerais savoir où passent les médecins, car nous ne les voyons pas. Ce n'est pas uniquement le cas de Castillonnès, c'est le cas malheureusement de tous les départements ruraux de France. C'est particulièrement inquiétant.

Dans quelques années, y aura-t-il encore des maires dans les petites communes de France ?

Ce sera difficile, car l'État se rend bien compte que ce maillage territorial unique au monde rend des services. On appelle le maire lorsqu'il y a un problème de police, de voisinage, de secours aux uns et aux autres. Les maires des villages connaissent absolument tout le monde. Nous avons un rôle social non négligeable.
En plus, nous touchons peu d'indemnités, c'est pratiquement du bénévolat.
Je ne fais pas partie du gouvernement, et donc je ne sais pas si on veut les supprimer, mais je crois que ce serait une bêtise de vouloir les supprimer. S'ils doivent être supprimés, par qui va-t-on les remplacer ?
Dans ce pays, nous avions un maillage territorial à tous les niveaux absolument extraordinaire. On est en train de le supprimer sous prétexte de faire des économies. Ces économies-là n'existent pas, car cela va nous coûter de plus en plus cher.
Nous allons laisser beaucoup de gens à l'abandon et dans la misère sociale. Où est le progrès dans tout cela ? Il n'y en a pas.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 29/12/2017 à 22:15.
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Pierre Sicaud
Maire de Castillonnès (Lot-et-Garonne)

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