Des bienfaits de l’école à la maison

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Ne feignons pas d'ignorer qu'une bonne majorité de nos « chères têtes blondes » (c'est par ce trompeur euphémisme que les médias désignent les enfants scolarisés) se sont réjouies en apprenant que leurs écoles seraient fermées pour cause de pandémie. On peut même parier que plus nos élèves avancent vers l'âge « ingrat », plus ils adhèrent à ce chômage pédagogique..

Admettons-le, dans les maternelles, voire en primaire, l'enfant a encore la naïveté d'apprendre ; il va donc se trouver désappointé par une mesure qui le prive et de sa gentille maîtresse et des activités ludiques auxquelles il identifie l'école. Mais dans les collèges ou les lycées, où l'on parle volontiers d'obligation scolaire, l'enseignement est reçu, pour de nombreux élèves, comme une contrainte sinon une corvée.

C'est donc sur une population ravie de la subir que s'abat la décision du pouvoir, sur une population certes importante (on parle de 13 millions d'individus) mais inactive et sans majorité civique. Nos dirigeants peuvent ainsi, sans risquer l'impopularité ou la rébellion, donner l’impression de faire un grand coup et de frapper fort contre le virus. Mais comme la population qu'on veut protéger est la moins menacée, cette rigueur apparente ressemble fort à la bravade du matamore.

Pour beaucoup d'adolescents, apprendre n'est pas un plaisir, lire est même pour l'immense majorité d'entre eux une véritable épreuve. Ne rien apprendre ou ne rien faire, comme le disait la chanson, est le moyen de se conserver en bonne santé ! C'est la première leçon qu'ils retiendront de cette épisode sanitaire.

Un épisode qui les renvoie à leur tablette ; nul besoin d'en acheter, ils en sont tous pourvus ! Ils sont également tous prévenus (du moins leurs parents) contre l'usage excessif de ces outils. Il y a moins de deux mois, tous les médias s'étaient en effet saisis de l'ouvrage de Michel Desmurget (La fabrique du crétin digital) pour nous mettre en garde contre les méfaits des écrans et leur faible efficacité pédagogique. Voilà que, maintenant, on pousse nos enfants à user et abuser de ces écrans présentés alors comme dangereux.

Cet épisode a pourtant l'immense avantage de renvoyer la charge pédagogique vers la famille ou ce qu'il en reste ! Familles monoparentales, familles recomposées, familles imposées vont devoir retrouver et surtout pratiquer leur rôle éducatif, développer le sens de l'effort et de la concentration auprès d'enfants et d'adolescents élevés au lait du consumérisme. La tâche sera rude et, pour certains parents, on le pressent déjà, insurmontable. Au sein de chaque famille, à travers les échanges et les conversations que le confinement impose, l'autorité parentale se confrontera, consciemment ou inconsciemment, à celle du pédagogue. Une remise en cause des rôles respectifs et des influences réciproques n'est donc pas à exclure. Au professeur qui leur reproche d'en faire trop en jaugeant son travail ou ses méthodes, certains parents pourront maintenant parler en « collègue ».

Si chaque match de football fait surgir, dans les cafés, des millions de sélectionneurs, le coronavirus va, à sa manière, multiplier le nombre, déjà imposant, de nos « profs ». Et quand on sait que la qualité se marie mal avec la quantité...

L’Éducation nationale prend un gros risque dans ce transfert de charges. Quoi qu'elle fasse, lors des examens de fin d'année qui ne manqueront pas d'être maintenus, les résultats seront aussi « bons » que si l'école avait assuré pleinement sa mission. Ce ne pourrait, ce ne devrait pas être le cas ! Après une année scolaire tronquée par les congés, les grèves et le virus, le niveau des connaissances est forcément amoindri. On en déduira donc que, présente ou pas, active ou non, l'institution tourne en roue libre et à son seul profit. Si, à l'issue de la pandémie, de nombreuses institutions se remettront en cause, il en une, l'école, qui, imperturbable, flegmatique et arrogante, ne changera rien, ni à ses principes, ni à son fonctionnement.

Jean-Paul Charbonneau
Jean-Paul Charbonneau
Historien, conférencier. castellologue, écrivain, diplômé de Sciences-Po, Assas-Panthéon, master d'histoire à l'Université de La Rochelle

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