Le débat marathon de mardi soir fut-il utile ?

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Depuis plusieurs jours, BFM TV l’annonçait comme l’événement du siècle : J–3, J–2, J–1, pouvait-on lire sur l’écran… Le jour même, les commentateurs nous expliquent en long et en large comment l’émission se déroule, les enjeux pour les participants, les grands et les moins grands. Mardi, 20 h 40 : que la fête commence !

Pour la première fois sous la Ve République, les onze candidats à la présidentielle vont débattre ensemble. Ruth Elkrief et Laurence Ferrari, les "gardiennes de but" (comme les appelle le réalisateur), animent le débat. Elles seraient "préparées à être attaquées", les journalistes n’ayant pas bonne presse, si l’on peut dire, dans cette campagne électorale.

C’est parti ! Juste avant, Philippe Poutou s’est distingué en refusant de participer à la photo de famille : il n’en fait pas partie et veut le montrer. Durant toute l’émission, il assume sa différence. Dans son langage comme dans son attitude. Il se retourne souvent pour parler à ses supporters les plus proches – au NPA, on travaille collectif –, lance "Ce n’est pas parce que je n’ai pas de cravate qu’il faut me couper", accuse les policiers de "faire chier les jeunes", reproche à François Fillon et à Marine Le Pen de "piquer dans les caisses".

À part l’impolitesse chronique du candidat trotskiste – qui ferait croire, à tort, que les ouvriers n’ont aucune éducation –, on n’a pas appris grand-chose de nouveau dans ce débat marathon. François Fillon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et même Nicolas Dupont-Aignan – visiblement heureux de jouer pour une fois dans la cour des grands – ont pu évoquer une partie de leur programme.

Les deux candidats d’extrême gauche ont montré qu’ils étaient à la fois communistes et internationalistes, anticapitalistes et partisans d’une lutte des classes qu’on pensait révolue. De bons révolutionnaires qu’on n’aimerait cependant pas rencontrer au coin de la rue, le Grand Soir.

Les autres petits candidats, comme on les appelle injustement, ont à peu près tiré leur épingle du jeu. Jacques Cheminade n’a pas laissé un souvenir impérissable de ses deux premières campagnes. Il donne l’impression de répéter une leçon qu’il connaît par cœur.

On a pu remarquer la cohérence de François Asselineau, le candidat du Frexit, proche sur bien des points de Marine Le Pen, mais le ton plus sentencieux, comme il sied sans soute à un ancien haut fonctionnaire. Le plus attachant, avec son accent béarnais prononcé, c’est assurément Jean Lassalle. Comme on l’interroge sur l’exemplarité en politique, il répond avec gentillesse et un grand sourire : "Il y a des corrompus partout. Peut-être, même, il y en a chez les journalistes…"

Ce débat a duré plus de 3 heures 30. Les visages tendus du début sont fatigués à l’arrivée. Benoît Hamon pique une petite colère : Marine Le Pen parle plus que lui, Ruth Elkrief doit "faire la police". Philippe Poutou et Nathalie Arthaud s’adressent exclusivement aux travailleurs, aux exploités. Utopiques dans leur rêve, mais si d’aventure ils arrivaient un jour au pouvoir… Jean-Luc Mélenchon, en comparaison, qui prône une révolution pacifique, apparaît comme un vieux sage rassurant.

Minuit trente. Le débat est terminé. Les téléspectateurs vont pouvoir aller se coucher, les journalistes continuer de commenter. Ce fut un spectacle bien long, avec quelques répliques originales dans un texte connu. Chacun, selon ses positions politiques, aura trouvé les acteurs plus ou moins bons. Mais les souverainistes, les eurosceptiques, les europhiles, les internationalistes révolutionnaires ont pu, à défaut de se comprendre, parler côte à côte. C’est si rare que cela vaut la peine d’être noté !

Jean-Michel Léost
Jean-Michel Léost
Professeur honoraire

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