Il est toujours malaisé de railler les histoires de familles, tant ces dernières dissimulent parfois des cadavres en leurs placards. Pourtant, celle formée et recomposée à base d’Olivier Duhamel, de Bernard Kouchner et des sœurs Évelyne et Marie-France Pisier n’est pas tout à fait une famille comme les autres, ayant exposé sa vie privée dans le domaine public tout en se présentant en parangon de vertus démocratiques.

Aux Duhamel, les leçons de républicanisme, aux Kouchner celles d’humanisme, aux Pisier celles de féminisme : soit la gauche de progrès dans toute sa splendeur médiatique. C’est dire si, aujourd’hui, tout ce joli petit monde tombe de haut. À l’origine, nous rappelle Le Point de ce jeudi 14 janvier, il y a les Pisier : Paula, la mère, le fils Gilles et surtout Marie-France et Évelyne. Le père ? Un fonctionnaire vichyssois, resté à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. Les filles, respectivement âgées de neuf et douze ans, ont déjà été initiées par leur génitrice aux mystères et coquineries de la sexualité. Nous sommes en 1953 : maman est en avance sur son temps.

Évelyne Pisier est la première Française à décrocher une agrégation de droit, tandis que sa cadette devient égérie de la Nouvelle Vague. Au salon des Pisier, on reçoit beaucoup. Entre autres, l’infernal couple formé par Sartre et Beauvoir, François Truffaut et Jean-Luc Godard. Marie-France se met à la colle avec Daniel Cohn-Bendit et Évelyne avec… Fidel Castro. Et Violaine de Montclos, du Point, de citer, non sans malice, un camarade d’alors : « Castro sonnait Évelyne quand il voulait. […] À Paris, elle emmerdait tout le monde en donnant des leçons de féminisme, mais à Cuba, elle était vraiment le prototype de la femme soumise. » On espère que Bernard Kouchner, avec lequel elle refait sa vie et auquel elle donne trois enfants, ne reprend pas à son tour le flambeau du macho tropical d’opérette.

Quant à maman Pisier, elle se remet ensuite en couple avec son pétainiste de mari. Il se suicidera en 1986 ; et elle, deux ans plus tard, sans qu’il faille forcément y voir rapport de cause à effet. Dans la foulée, Olivier Duhamel entre en scène et épouse Évelyne, ex-madame Kouchner, pour le pire et le moins bon, à en croire La Familia grande, livre vengeur de Camille Kouchner auquel il doit sa récente descente aux enfers.

En attendant, la smala mène grand train, invitant chaque été les représentants les plus éminents de la République des lettres et du microcosme médiatico-politique dans la villa varoise de Sanary-sur-Mer. Là, rappelle Violaine de Montclos : « Si vous n’étiez pas de gauche, vous étiez bannis. » La lecture du brûlot de Camille Kouchner est, à ce titre, édifiante. Au bord de la piscine et du court de tennis, tout le monde est évidemment féministe, à condition toutefois que les femmes acceptent de coucher avec le premier homme venu. L’une refuse d’être troussée en plein sommeil : elle sera écartée de cette communauté dans laquelle on s’indigne qu’une jeune fille puisse être encore vierge à treize ans.

Celle qui, alertée par ses nièces et neveux, tente d’y remettre bon ordre, c’est Marie-France Pisier. Mais Évelyne, sa sœur, jusque-là bien aimée, préfère prendre la défense de l’ogre, son mari Olivier, celui qui viole régulièrement Victor, son beau-fils, tout en baratinant Camille, sa belle-fille. À force de ne point être entendue, Marie-France glisse peu à peu dans la dépression. On la retrouvera, le 24 avril 2011, au fond de sa piscine, gavée d’alcool et d’antidépresseurs.

Évelyne est, elle aussi, tombée dans la bouteille après avoir rompu avec sa sœur qui voulait enfin faire éclater la vérité, avant de rendre l’âme, le 9 février 2017.

Olivier Duhamel, lui, est toujours là, dans l’état qu’on sait. Sa vie n’est, aujourd’hui, plus que champ de ruines. C’est la fin d’une époque, celle de l’arrogante bourgeoisie mitterrandienne et, pour une fois, on ne regrettera pas le bon temps d’avant.

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15 janvier 2021 à 19:15

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