Crise du coronavirus : les animaux malades de la peste

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« Un mal qui répand la terreur/Mal que le Ciel en sa fureur/Inventa pour punir les crimes de la terre,/La peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)/Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,/Faisait aux animaux la guerre./Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés […] Le lion tint conseil, et dit « Mes chers amis/Je crois que le ciel a permis/Pour nos péchés cette infortune […] »

Il faut toujours lire La Fontaine. C’est avec raison que M. Blanquer avait distribué, il y a peu, dans les lycées, un fabliau que nos écoliers, mis en quarantaine, à partir de lundi, auront loisir de savourer ainsi que leurs aînés condamnés, peu ou prou, au confinement.

Emmanuel Macron connaît Machiavel, La Fontaine et de Gaulle. Jeudi soir, sur les ondes, a donc résonné « l’appel du 12 mars » au peuple et à la nation française en danger, invitant à la solidarité nationale. Emmanuel Macron tenait là un rôle providentiel qu’il a à peine surjoué et qui lui permettait, également, de reprendre la main à un moment hasardeux de son quinquennat. Si la critique est aisée, on peut aussi tirer une leçon de ce mal qui nous frappe.

Le temps est aux invasions et aux épidémies. Une crise sanitaire touche l’Europe. Des migrants sont bloqués aux frontières. Notre économie est à l’arrêt. Pas question de nier le danger, à une époque de haute protection des corps et des esprits. Point n’est besoin, non plus, de se faire peur : mieux vaut rappeler la situation dramatique de l’hôpital public. La lettre de démission inédite mais hautement symbolique - de leurs responsabilités, non de leur activité - adressée, récemment, par 1.600 médecins au président de la République en témoigne : on comprend l’hommage appuyé qu’a rendu Emmanuel Macron au personnel de santé. Qui ne voit, en effet, la peur du gouvernement causée par le manque de lits si l’épidémie prenait de l’ampleur ? La première urgence - toute réforme cessante (l’Italie en témoigne) - est donc de porter secours à l’hôpital public.

Deuxièmement : pourquoi ne pas avoir pris des mesures de précaution, dont la fermeture des frontières, au lieu de se contenter du mantra « Un virus ne connaît pas de frontières » alors même qu’on ferme, lundi, tous les établissements ? Il faudra bien le revoir, un jour, ce problème crucial, à l’heure de la mondialisation, dans une Europe passoire. Tout discours d’un chef d’État est forcément politique. Aussi le Président a-t-il caressé, à la veille d’élections, une corde sensible en prônant une « souveraineté » non pas nationale mais européenne, lors même que l’Europe montre sa division politique. Que venait faire cette allusion au risque d’un « repliement » quand l’épidémie montre les risques des délocalisations à l’étranger, en particulier dans la fabrication des médicaments ? Quant au principe de précaution, pourquoi ne pas l’exercer ?

En tout cas, pas besoin d’un bouc émissaire comme le fut l’âne de la fable : cette épidémie est l’occasion de revoir une Europe très malade.

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Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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