Coût de l’immigration : Le Monde conteste les chiffres de Le Pen et Zemmour. Toujours la même logique comptable…
Apocryphes ou non, ces mots prêtés à Winston Churchill n’ont jamais été autant d’actualité : « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées. » D’où la polémique créée par le coût social de l’immigration, chiffré à vingt milliards d’euros pour Éric Zemmour et à seize pour Marine Le Pen ; calcul sans surprise contesté par Le Monde de ce 26 novembre.
Pour ces deux candidats, même si l’une est plus déclarée que l’autre, cette cagnotte devrait être reversée aux Français. De quoi donner des vapeurs au vénérable quotidien vespéral qui en appelle au droit constitutionnel, citant Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’université Paris-Saclay : « Ce serait une discrimination à raison de l’origine, totalement contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. » Certes, mais cette discrimination entre nationaux et étrangers n’est-elle pas la norme pour accéder à la fonction publique ? Et que dire de cette « exception culturelle française », sorte de « préférence nationale » qui ne dit pas son nom, discriminant positivement nos artistes, faveur par ailleurs refusée aux artisans du BTP et aux chauffeurs routiers ?
Sans surprise, donc, Le Monde n’est pas d’accord sur les calculs avancés par Marine Le Pen et Éric Zemmour, annonçant, lui, un coût global de six milliards d’euros – ce qui n’est pas rien, soit dit en passant –, tout en admettant : « Il n’existe pas de chiffres publics renseignant les montants d’aides versées aux étrangers. » Voilà qui amène au moins deux interrogations. La première, c’est que l’État est rigoureusement incapable de chiffrer le coût en question. La seconde, c’est que les estimations de ces deux candidats ne sont donc pas moins plausibles que d’autres.
Les équipes d’Éric Zemmour reconnaissent être, elles aussi, dans le flou quand interrogées par France TV Info : « Nous avons très peu de données disponibles, donc nous sommes obligés de faire des hypothèses. Mais si les organismes concernés étaient amenés à faire preuve de transparence, nous pourrions très bien réviser, à la hausse ou à la baisse, notre chiffrage. »
Ce « flou », Libération était l’un des premiers journaux à en convenir, avec cette question posée, le 9 avril 2018 : « L’immigration coûte-t-elle entre 70 et 80 milliards d’euros par an ? » En préambule, ce quotidien notait, non sans raison : « Lorsqu’on chiffre le coût de l’immigration, le tout est justement de savoir ce que l’on chiffre. Il y a des évidences : comme tout un chacun, les immigrés coûtent en dépenses de santé, en retraites, en allocations, mais ils rapportent en cotisations sociales, impôts, TVA… » Et de conclure, toujours non sans raison : « Les différences de chiffrage entre les différentes études tiennent essentiellement aux périmètres retenus. […] Bref, personne ne calcule la même chose. »
Il y a donc ceux qui affirment que le solde de l’immigration est positif pour les finances publiques et ceux qui, tel l’essayiste Jean-Paul Gourévitch, expert en matière migratoire, qui affirme selon un article de Libération datant de 2018 qu’elle nous fait dépenser près de 90 milliards d’euros chaque année, « en rajoutant à l’ardoise les “coûts sécuritaires” et en incluant les enfants nés en France ». Chiffre qui peut paraître étonnant puisqu'il ne semble se trouver dans aucun des nombreux textes de Jean-Paul Gourévitch sur le sujet qui au contraire déclarait à Jean Bexon lors d'un entretien dans nos colonnes le 30 octobre dernier : « Mon travail, très technique, aboutit à un coût d’un peu plus de 20 milliards d’euros. »
Le problème est que dans une société, tout ne saurait se ramener à de seuls chiffres. Car à ce compte, si l’immigration remplissait les caisses de l’État, pourquoi ne pas doubler le nombre d’immigrés, ce qui nous rendrait deux fois plus riches encore ? C’est toute la limite de cette logique comptable.
On remarquera, par ailleurs, que même chez ces chicaneurs de chiffres, plus personne ne prétend, tel que ce fut jadis le cas, que l’immigration demeure une chance pour la France ; et ce quoi qu’il puisse ou non nous en coûter, visiblement.
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