Cinéma : Simone, le voyage du siècle, d’Olivier Dahan, une hagiographie sans recul

Simone Veil film

Après La Môme, sur Édith Piaf, et Grace de Monaco, le cinéaste Olivier Dahan boucle aujourd’hui sa « trilogie féministe » avec un portait de Simone Veil.

Cela faisait dix ans que la comédienne Elsa Zylberstein souhaitait consacrer un film à cette figure majeure de la vie politique française d’après-guerre. Elle approcha donc deux producteurs et parvint à convaincre Olivier Dahan de s’atteler à la réalisation du projet. Le cinéaste se lança alors dans la lecture d’Une vie, l’autobiographie de Simone Veil parue en 2007, dont le film se veut plus ou moins l’adaptation, et se documenta sur son parcours. Hélas, le résultat de Simone, le voyage du siècle est assez mitigé.

Le récit nous est raconté en voix off par l’ancien ministre de la Santé tandis qu’elle rédige ses mémoires, de son enfance à Nice dans les années 1930 jusqu’à ses prises de position pendant la guerre de Yougoslavie en 1992 en passant, évidemment, par ses années de déportation, à Auschwitz notamment.

Plus qu’un biopic sur Simone Veil, le cinéaste dresse le tableau rétrospectif d’un XXe siècle épouvantable avec lequel l’ancien ministre nous dit s’être réconciliée en prenant part activement à la construction européenne.

Au fil des combats menés par Simone Veil, le spectateur ne peut s’empêcher de songer aux divers dévoiements dont ils ont pu faire l’objet par la suite. Bienveillante à l’égard des événements de Mai 68, Simone Veil était loin de se douter, à l’époque, qu’ils entraîneraient le délitement de l’autorité et la fin du patriotisme dont elle se réclamera pourtant jusqu’à sa mort. Un patriotisme que sa formation politique initiale, le MRP, parti centriste et démocrate-chrétien, n’a cessé de mettre à mal en soutenant systématiquement – et l’UDF à sa suite – le fédéralisme européen et la fin progressive de la souveraineté des États… De même, lorsqu’elle défendit, en 1974, sa loi relative à l’IVG, qui ne devait durer que cinq ans, le temps de trouver de meilleures solutions, Simone Veil n’imaginait sans doute pas l’allongement, quarante ans plus tard, des délais légaux d’accès à l’IVG, étendus de douze à quatorze semaines, ainsi que la suppression de la clause de conscience des professionnels de santé. Elle pour qui l’avortement devait « rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue », n’envisageait pas l’IVG comme un droit : « C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame. C'est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s'il admet la possibilité d'une interruption de grossesse, c'est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. »

Simone Veil qui, nous dit-on dans le film, s’opposa jadis à l’expulsion de clandestins, n’a pas vu venir non plus les problèmes que rencontrerait un jour son pays avec les populations issues de l’immigration. La conclusion de son récit, rappel ronflant à la laïcité, à l’unité des Français et à la vigilance à l’égard de toute concurrence mémorielle, met en lumière la naïveté profonde de cette femme qui n’a jamais su prévoir les dérives des causes qu’elle chérissait.

Portrait hagiographique d’une personnalité de gauche, le film d’Olivier Dahan se refuse absolument à tout regard critique sur le parcours politique de Simone Veil, caricature le point de vue de ses opposants (forcément misogynes) et ponctue le tout de dialogues sirupeux avec gros plans hystériques sur les visages. Aucune allusion, bien sûr, n’est faite à son soutien à la Manif pour tous en 2013 – on ne voudrait surtout pas froisser le spectateur de gauche…

Mais le défaut majeur de ce film, peut-être, ce sont ces allers-retours permanents d’une époque à l’autre, pour surligner maladroitement les choix politiques au regard de l’expérience personnelle. Certes, le film biographique nécessite d’établir une cohérence dans la vie désordonnée d’un individu, cependant le procédé employé manque cruellement de subtilité.

2 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

9 commentaires

  1. je ne vais plus au cinéma il y a trop de risque (accident, meurtre, assassinat…)je regarde BFMTV je me drogue à la macronie de gauche, ça me calme……

  2. L’aimable critique parle « des années de déportation »; rappelons que Mme Veil née Jacob ne fut déportée via Drancy que le 13 avril 1944…

  3. Ce film n’a pour but que de ‘glorifier » une femme pour en faire une légende. Encore une qui, croyant bien faire, s’est faite dépasser par son oeuvre (comme le Dr Jekill). Moi, je n’oublie pas que, comme S. de Beauvoir, elle était financée par Rockfeller et la CIA et faisait partie du B’nai Brith.

  4. La seule période de la vie de Mme Veil qui ne souffre aucune discussion c’est sa déportation et celle de ses proches qui est et restera une ignominie. Le reste est discutable , critiquable voire condamnable. On la présente comme supérieurement intelligente mais elle n’à pas vu combien ssa loi autorisant à tuer les enfants à naître serait dévoyée, elle était pro-européenne mais elle n’à pas vu non plus le danger d’une administration européenne hors sol et imbue d’elle même.Elle était pro-migrants dites vous, qu’aurait elle dit de cette algérienne qui massacre une jeune fille de 12 ans?

    • Entièrement d’accord, de toute façon je boycotte les cinémas, et tout le reste ! marre de tous ces films sur la diversité ! Ce petit monde artistique, du show-biz , journalistique, et autres , ces petits donneurs de leçons de morale, me dégoûtent !

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