Infirmière à domicile, Ichiko est employée par la famille Oishi pour prendre soin de sa doyenne. Appréciée de tous, consciencieuse, elle consacre même son temps libre à l’aide aux devoirs des deux adolescentes Saki et Motoko. Un jour, Saki, la plus jeune, est enlevée. Lorsqu’elle reparaît et que la police met la main sur son ravisseur, la victime ignore que celui-ci n’est autre que le neveu d’Ichiko… La sœur de Saki, Motoko, encourage pour son propre bien l’infirmière à garder le secret, à ne surtout pas révéler les liens de famille qui l’unissent au criminel. Mais dans un mouvement incontrôlable, les événements s’enchaînent, les journalistes remontent vite à Ichiko et, dès lors, rien ne lui sera épargné.

Dans un pays où la criminalité est quasiment inexistante et où les liens de famille, de type confucéen, impliquent souvent une forme de responsabilité collective – c’est vrai en Chine depuis les Han, mais ça l’est aussi au Japon –, le moindre délit, le moindre crime frappe aussi bien la victime et ses proches que l’entourage familial du coupable. Si bien que la définition même de « victime » reste à élargir, comme nous le montre ce passage où Ichiko, plus bas que terre et désormais sans emploi, se voit refuser l’aide des associations pour victimes sous prétexte qu’elle n’a subi que les dommages collatéraux de cette affaire.

Plus malin qu’on ne pourrait le penser de prime abord, le réalisateur de L’Infirmière, Kōji Fukada, loin de rejeter en bloc l’héritage confucéen, fait la part des choses et approuve tacitement l’attitude d’Ichiko qui se donne pour devoir, à la fin du film, de prendre en main son neveu à sa sortie de prison. Elle est sa seule famille, elle se doit donc d’être là pour lui, qu’importent son crime passé et les difficultés qu’ils rencontreront tous les deux... D’aucuns verraient même dans le refus initial d’Ichiko d’assumer ses liens de famille avec le ravisseur la raison précise de tous ses malheurs, car en prenant les devants dès le début auprès de la mère de Saki, en lui avouant le rôle indirect qu’elle a pu jouer dans cet enlèvement, la chasse aux sorcières dont elle fit l’objet – on pense par moments à La Chasse, de Thomas Vinterberg, ou au Cas Richard Jewell, de Clint Eastwood – eût sans doute pu être évitée. Là encore, le cinéaste exhorte à la prise de responsabilité, c’est le maître mot de son film, celui qui sous-tend notre rapport aux autres et sans lequel la société (japonaise en l’occurrence) n’est plus possible.

Si le scénario se laisse bien aller à quelques facilités, notamment la construction du récit sur deux temporalités (c’est vu et archi-vu) ainsi que l’incompétence invraisemblable de la police qui, jamais, ne fait le lien entre le ravisseur et Ichiko, la mise en scène du film, sobre et distanciée, et les talents d’actrice de Mariko Tsutsui dans le rôle de l’infirmière rattrapent le tout.

4 étoiles sur 5

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14 août 2020 à 8:28

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