« C’est toujours pareil : on demande au peuple son avis, mais on n’est pas prêt à l’accepter ! »

Le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) vient de rendre un rapport synthétisant les consultations organisées dans le cadre des États généraux de la bioéthique. Aude Mirkovic dénonce une faille méthodologique, voire idéologique… Ainsi, le CCNE ne rend pas compte de l'écrasante majorité (90 %) d'internautes opposés à l'ouverture de la PMA, qui reviendrait à concevoir des enfants privés légalement de père.

Le rapport rendu par le comité d’éthique restitue le contenu des débats des États généraux. Il contient beaucoup de choses intéressantes, mais également de grosses failles et pas uniquement méthodologiques malheureusement. Il est aussi teinté d’éléments idéologiques.
Ce rapport présente les arguments développés pour et contre la PMA et différentes sous-questions relatives à la PMA, sans rendre compte de l’écrasante opposition des internautes vis-à-vis de la PMA. Le CCNE se contente de présenter les différents avis sur un plan d’égalité. Il est quand même obligé de dire de temps en temps « beaucoup de contributions disent » ou « la plupart ». À la question : « voulez-vous l’ouverture de la PMA pour les femmes célibataires ou les couples de femmes ? », 90 % des internautes s’y opposent. Or, ce genre de proportion là n’apparaît pas du tout dans le rapport du CCNE.
Par ailleurs, le CCNE essaye de valoriser au maximum des points de consensus. Il dit par exemple qu’il y a des consensus sur des constats. Des femmes vont à l’étranger se faire inséminer pour avoir des enfants sans père issus de donneurs. C’est un constat. Comment peut-on être contre un constat ? Mais même sur les constats, le consensus n’existe pas vraiment, car la plupart des contributions en relèvent le caractère biaisé. C’est effectivement un constat, mais à quoi sert-il de faire ce constat ? Cela veut-il dire qu’il faille pour autant légaliser ou non ? Même sur ces constats, les contributions étaient très réservées.

Le projet de loi comportera-t-il la PMA ?

Les États Généraux et ce rapport n’ont pas pour objectif de dicter l’attitude du Parlement. Le Parlement est souverain, quel que soit le sujet. Emmanuel Macron a dit qu’il voulait rassembler et ne pas entraîner de fractures sociales sur ce sujet. Or, les Etats Généraux ont bien révélé une opposition massive des citoyens à la PMA pour les femmes célibataires et les couples de femmes. D’un point de vue politique, il est temps d’en tenir compte. D’ailleurs, on voit une large disproportion entre les sondages qui ont précédé les États Généraux et le résultat des votes. Cela s’explique de façon très simple. Dans les sondages, comme sur le site des États Généraux, les questions sont posées aux gens de telle manière que tous ceux qui veulent protéger le droit des enfants de connaître leurs parents dans la mesure possible ou la société contre la marchandisation du corps sont toujours obligés de se prononcer contre quelque chose. Quand on demande aux gens de but en blanc dans la rue : êtes-vous pour ou contre la PMA pour les femmes ? Il faut avoir pas mal réfléchi pour être capable de réaliser ce que signifie une telle question. De surcroît, celui qui est pour n’a jamais besoin de se justifier. En revanche, celui qui est contre doit dire pourquoi.
C’est pour cette raison que les sondages sont toujours menés de manière biaisée et ont donné l’apparence d’une majorité de Français pourt la PMA. En réalité, dès que les gens ont creusé la question, et c’est le cas des internautes qui sont allés s’exprimer et des gens qui ont participé aux débats organisés dans les Régions, le résultat est complètement inversé. Nous sommes arrivés à 90 % d’opposition à la PMA sur le site.

Nous avons bien compris que les résultats du sondage dans le rapport n’arrangeaient pas les partisans de l’ouverture à la PMA et la GPA. Leurs défenseurs ont d’ailleurs dénigré les opposants et ont même parlé de pression durant les débats.

C’est sûr que ce rapport n’arrange pas du tout les promoteurs de toutes les soi-disant avancées technologiques et qui sont en fait des régressions humaines. Ce n’est pas le cas du rapport lui-même, mais en effet, autour de ce rapport, on essaie de discréditer les résultats en disant que des pressions auraient été exercées.
Mais qui a le pouvoir en France d’obliger les gens à aller voter contre la PMA ?
Je ne connais personne qui ait ce genre de pouvoir. Une fois de plus, on demande au peuple son avis, mais sans être prêt à accepter l’avis en question.
Les Français se sont massivement exprimés pour le statu quo, c’est-à-dire le refus de l’extension de la PMA qui reviendrait à concevoir des enfants privés légalement de père. En effet, cela n’arrange pas les promoteurs de la PMA. Il est difficile de nier les chiffres. Dans le rapport toutefois, les chiffres sont présentés de façon à éviter les pourcentages sur des camemberts avec le nombre de contributions. On a par exemple 6000 contre 200. Mettre un pourcentage aurait été trop visible.
Il ne reste donc plus qu’à discréditer les auteurs de ces votes. Mais je ne vois pas pourquoi certains citoyens seraient moins pertinents que d’autres à donner leurs avis, dès lors que toute la communauté des citoyens a été invitée à venir s’exprimer. Chacun pouvait s’exprimer. Il n’y avait aucun critère de recevabilité.

Aude Mirkovic
Aude Mirkovic
Maître de conférences en droit privé - Porte-parole de « Juristes pour l’enfance »

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