Samuel Paty a été assassiné par un terroriste tchétchène de 18 ans pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Charlie Hebdo, dont certaines représentaient Mahomet, dans le cadre d’un débat sur la liberté d’expression. Cet acte odieux, motivé par un fanatisme délirant puisant dans une religion qui trop souvent entre en contradiction totale avec les valeurs occidentales, a choqué la France entière. Au-delà de cet assassinat atroce, elle a révélé les réactions d’une part non négligeable de la communauté musulmane, qui a oscillé entre condamnation franche, condamnation du bout des lèvres, condamnation de l’assassinat et de l’initiative de Samuel Paty, voire condamnation de l’initiative du professeur et hommage au terroriste.

Soyons clairs, Samuel Paty était de ces héros anonymes qui donnent sans compter. Il ne voulait pas courber l’échine. Il croyait tellement en ce qu’il faisait qu’ils ont été contraints de l’abattre. On ne sait pas s’il croyait en autre chose qu’en la République, mais nous parions que doit exister un paradis pour les héros comme lui. Sans doute dans quelque parcelle du Ciel, il doit deviser avec Charb, Cabu, Tignous, Wolinski et les autres.

Sans doute est-il en train de regarder ses élèves retourner à l’école la boule au ventre et le cœur lourd. Sans doute ressent-il encore de la compassion pour les enfants qui ont applaudi sa mort. Sans doute les voit-il comme des esprits qu’il n’a pas réussi à éclairer. Sans doute regrette-t-il que la petite flamme de ses humbles connaissances ne soit pas devenue brasier.

En réaction, ils ont été des dizaines d’hommes politiques à dénoncer l’islamisme militant alors même qu’ils l’ont nié et ont persécuté ceux qui donnaient l’alerte depuis des décennies. En réaction, ils ont fait des caricatures de Mahomet un cheval de bataille, une sorte de valeur absolue, un bras d’honneur lancé à la face des terroristes. Seulement voilà, on ne construit pas une nation à coups de bras d’honneur. On ne rachète pas des décennies de lâchetés avec deux ou trois jours de rodomontades en s’imaginant que cela suffira. « L'ennui avec les hommes politiques, c'est qu'on croit faire leur caricature alors qu'on fait leur portrait », disait le caricaturiste Sennep. Depuis trois jours, cette phrase est vivante.

Les caricatures sont un outil au service de la démocratie et de la liberté d’expression. Le caricaturiste alarme, choque, insulte, dégrade. C’est son droit le plus strict. Catholique convaincu, il ne m’est jamais venu à l’esprit d’empêcher Charlie de salir ma religion. Dieu sait, c’est le cas de le dire, que les dessins de Charlie sur l’islam sont extrêmement minoritaires par rapport à ceux sur le christianisme. Vivant dans une société évoluée, on passe outre, on regarde ailleurs et on hausse les épaules. Pas les islamistes.

Pour autant, Samuel Paty n’est pas mort pour des caricatures, Samuel Paty est mort pour la liberté. Liberté d’enseigner, liberté de penser, liberté de faire d’enfants acculturés des citoyens français. La République a des valeurs que personne ne saurait définir clairement. Le blasphème n’en fait pas partie. Si la République veut rassembler autour de caricatures, elle perdra. En revanche, la France doit rassembler autour d’une Histoire, d’une culture, de sa philosophie et de sa capacité à regarder ses ennemis droit dans les yeux, sans haine ni crainte.

Soyons clairs, une dernière fois, personne ne devrait mourir en France pour une caricature ou un dessin. En revanche, tous nous devrions être prêts à tout risquer pour la liberté. Liberté de caricaturer, certes. Mais aussi liberté de penser et de vivre. L’heure est sans doute venue de prendre conscience que tout ce que nous considérions comme acquis a un prix. Comme le droit s’accompagne de devoirs.

C’est ainsi que nous rendrons hommage à Samuel Paty.

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21 octobre 2020 à 21:25

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