Barbarin s’est-il pris pour Gerlier ?

Barbarin s’est-il pris pour Gerlier ?

Le souvenir du vœu des échevins de Lyon est l’une des traditions les plus importantes de la ville primatiale.

La peste sévit à Lyon en 1643 : devant ses ravages, les échevins promirent de faire un pèlerinage à Fourvière chaque année, d’y entendre la messe et d’offrir un écu d’or et un cierge à la Vierge. Le mal recula et leur vœu fut exaucé.

Tous les 8 septembre, le maire de Lyon et les élus montent à Fourvière perpétuer cet engagement et l’archevêque primat bénit la ville avec le Saint-Sacrement. Trois coups de canon l’annoncent.

Gérard Collomb, ancien maire, aujourd’hui ministre de l’Intérieur et des Cultes, s’était déplacé cette année aux côtés du nouveau maire de Lyon et des membres de la municipalité pour honorer de sa présence la cérémonie.

À la consternation générale, dans son allocution, le cardinal Barbarin s’est cru obligé d’apostropher le ministre, ironisant sur sa présence à Lyon alors qu’il supposait qu’il serait parti à Saint-Barth aux côtés des sinistrés !

Ce cardinal a sans doute oublié qu’un ministre de l’Intérieur a d’abord un rôle d’organisation. Face aux pillages et aux exactions d’un sous-prolétariat local ou immigré clandestin, qui a ravagé l’île à la faveur des destructions d’Irma, la toute première chose était d’assurer la sécurité des personnes, et de leurs biens pour ce qu’il en restait…

Gérard Collomb a su, en 48 heures - malgré des problèmes logistiques assez insurmontables –, faire acheminer gendarmes mobiles, GIGN et GIPN, qui ont pu aussitôt sécuriser les lieux ! C’était sa mission, sa responsabilité et il s’en est fort bien acquitté ; beaucoup plus qu’en allant se faire bronzer sur place pour balancer trois ou quatre phrases convenues, et en se faisant prendre en photo devant des tas de gravats, pour la seule satisfaction des médias. Grâce à l’action de Collomb, les missions humanitaires peuvent aujourd’hui se déployer et œuvrer en toute sécurité…

Mais Barbarin a dû se prendre pour le cardinal Gerlier, son illustre prédécesseur, celui qui, recevant Pétain à Lyon en 1940, prononcera cette formule restée célèbre et qui lui collera à la peau: "Pétain, c’est la France, et la France, c’est Pétain." Ce qui ne l’empêchera pas de se voir décerner (à titre posthume, il est vrai) la médaille de "Juste parmi les Nations". Après la guerre, le cardinal Gerlier eut des relations parfois difficiles, mais d’estime certaine, avec Édouard Herriot, maire de Lyon devenu président du Conseil… Les deux hommes se retrouvaient périodiquement lors de grandes manifestations lyonnaises où la présence du primat était incontournable. Ce qui avait amené cette pique d’Herriot parodiant la formule de 40 : "Gerlier, c’est Lyon, et Lyon, c’est Gerlier." D’où la réplique restée célèbre de Gerlier, lors de l’inauguration de la foire de Lyon pour la restauration de laquelle Herriot s’était beaucoup investi: Herriot, c’est la foire, et la foire, c’est Herriot."

Mais Barbarin n’a pas la carrure politique de Gerlier et, visiblement, il n’a pas saisi le signe fort que représentait la présence du ministre à Fourvière, quand tous ses amis politiques se déchaînent en propos comminatoires contre cette "entorse à la laïcité" (Le Point). Ne pas l’avoir compris, comme l’aurait dit Talleyrand, est politiquement plus qu’une erreur, c’est une faute !

Et comme si cela ne suffisait pas, faut-il rappeler que le cardinal Barbarin s’est trouvé englué des mois durant dans un scandaleux procès d’intention, visant à le faire destituer, pour avoir prétendument couvert des agissements de prêtres pédophiles ? À l’époque, son premier soutien avait été… Gérard Collomb (France-Soir).

Claude Timmerman
Claude Timmerman
Biologiste et environnementaliste, Editorialiste et Conférencier

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