Au nom de la haine…

codepénal

Le mercredi 2 juin, les députés ont adopté en première lecture le projet de loi n° 4104 sur l’antiterrorisme et l’extension du renseignement. La République a décidé de pérenniser les dispositifs initiés lors de l’état d’urgence en matière de surveillance des réseaux et d’accès aux données des opérateurs. Elle veut également s’immiscer dans le champ religieux pour contrôler « les propos, les idées et les théories » divulgués dans les lieux de culte.

En langage politique, cela s’appelle l’extension des « mesures de protection » pour faire face à la menace terroriste.

Concrètement, l’État se dote de tous les moyens pour définir les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) : quand cela concerne les détenus condamnés pour apologie du terrorisme, c’est plutôt rassurant. Mais quand il s’agit de traquer les citoyens lambda par la « technique de l’algorithme » permettant l’accès aux données de navigation sur Internet fournies par les opérateurs télécom, en l’élargissant aux URL de connexion, là, ça devient problématique du point de vue du respect des libertés individuelles.

La CNIL avait fait savoir, le 12 mai, que les dispositions du projet de loi devaient être assorties de garanties fortes pour limiter les atteintes à la vie privée. Or, elle a fait savoir qu’elle ne pouvait se prononcer sur « la technique de l’algorithme », celle-ci étant couverte par le secret défense : pratique !

Ces garanties n’ont, semble-t-il, pas été apportées. Ne nous leurrons pas, les fichages à l’allure de crédit social à la chinoise vont certainement se développer dans les prochains mois, ne serait-ce que parce qu’Emmanuel Macron mise beaucoup sur lesocial listening en vue de la présidentielle.

Dans le projet de loi, cependant, une disposition pose question : celle relative à la fermetures des lieux de culte.

Bientôt, en effet, selon l’article L.227-1 du Code de la sécurité intérieure, le préfet pourrait prononcer la fermeture des lieux de culte dans lesquels « les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination », ajoutant « provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ».

Il semble qu’il y ait une marge d’appréciation assez large sur les « propos, les idées ou les théories » qui, selon l’État, pourrait provoquer « à la violence, à la haine ou à la discrimination ».

En effet, si l’on se base sur les récents débats autour de la loi Avia, les propos haineux pourraient aussi bien englober les opinions hostiles à l’avortement, au mariage gay, à l’idéologie du genre ou toute autre opinion analogue que le gouvernement classerait parmi les opinions « haineuses ».

Ainsi, faudrait-il que les homélies des prêtres soient de purs discours républicains, qui sacrifient à la doxa ambiante sur l’avortement, l’homosexualité et l’euthanasie ? Si l’État croit pouvoir s’ingérer dans le Magistère de l’Eglise catholique, qu’il le dise tout de suite !

On attend donc le jour où un préfet fera fermer une église pour propagation d’un discours haineux.

Sabine Faivre
Sabine Faivre
Auteur, essayiste

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