Anne-Laure Bonnel était inconnue au bataillon du grand public et elle commence à se faire un nom, même s’il sent le soufre dans les cénacles de la bien-pensance. Être citée en exemple par le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov n’est sans doute pas un bon canal de publicité.

Il faut bien reconnaître que ses images et ses commentaires dérangent. Elles montrent ce que nul ne voulait voir. Des Ukrainiens officiels, revêtus de l’onction du Maïdan et dès lors adulés par l’Europe, et qui se livrent depuis 2014 à une guerre dans le Donbass, avec des exactions contre leur propre population civile. Si ces faits sont avérés, ils violent ainsi les accords de Minsk. Sauf que les médias français auxquels ils étaient destinés n’ont pas jugé pertinent de les diffuser. Comme pour le Yémen, par exemple, il conviendrait de détourner le regard pour laisser les bourreaux massacrer en paix, peut-être avec des armes que nous produisons et vendons. Ou comme pour le silence gêné autour des persécutions des chrétiens d’Orient et des Yézidis, ces simples variables d’ajustement d’enjeux géopolitiques qui les dépassaient : pétrole, rivalités laïcs contre religieux, sunnites contre chiites ou arabe contre persan.

Les vidéos récentes d’Anne-Laure Bonnel, qui couvre en ce moment cette sale guerre, montrent une femme épuisée, qui s’insurge contre les diverses censures dont elle est victime, ainsi que les procès en hérésie des chantres de la doxa officielle, BHL en tête. Si elle a annoncé intenter une action en diffamation contre Mediapart, elle a néanmoins eu accès à BFM TV. La journaliste qui menait l’entretien a bien tenté de l’orienter dans le sens du discours convenu, mais sans succès. « Qui a envie de voir des gens mourir ? », lui répond-elle, quand il faudrait encenser les délires manichéens d’une propagande de guerre. Elle déplore que rien n’ait été fait ces huit dernières années, et pense que la partition est inéluctable.

Aller au cœur de la guerre pour en rapporter des images, des articles, demande le même courage que d’y aller pour combattre : les bombardements ne font pas le tri entre soldats, civils, soignants ou journalistes. Dans un monde dominé par l’image, l’instrumentalisation de celles qui témoignent de la guerre biaise nos perceptions, mais peut aussi changer le cours de ces guerres. Les photos de cette fillette nue courant après un bombardement au napalm ou de cette femme montrant une fleur à une baïonnette n’ont-elles pas contribué à mettre fin à la guerre du Vietnam ? Parce qu’un journaliste a pour premier devoir de relater des faits, il doit s’élever contre une narration menteuse. Mais cela demande du courage.

Après se pose la question de la responsabilité qu’engendre l’image et sa diffusion. L’excellent roman Le Peintre des batailles, d’Arturo Perez-Reverte, peut éclairer nos réflexions sur ce sujet. Mais surtout, quelle est la responsabilité des rédactions qui, pendant huit ans, se sont désintéressées de crimes de guerre commis à trois heure d’avion d’ici ? Certes, un journal ne devrait pas être le condensé de tous les malheurs du monde, mais quel étrange arbitrage.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 22/08/2022 à 19:07.

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08 mars 2022 à 20:17

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75 commentaires

  1. Légion d’honneur ou médaille du Mérite pour cette journaliste courageuse et surtout honnête (il en existe :)

  2. Autre info à suivre : des journalistes de « spigel » auraient retrouvé un document signé qui confirme ce fameux accord entre américains et russes à propos de la non-extension de l’otan au delà de la frontière allemande… à suivre…

  3. Depuis longtemps le pouvoir ukrainien a interdit l’accès des journalistes à cette zone du Donbass.
    Les rares avoir bravé les autorités rapportent des faits identiques et le « camps du bien » a bien du mal à accepter des vérités à contre courant…
    Bravo à cette jeune femme qui a fini par se faire (un peu) entendre !

  4. Une femme admirable et courageuse dont nos médias devraient s’inspirer .Cette vidéo fait le tours des réseaux mais cela ne suffit pas .Quelle chaine nationale diffusera ce reportage criant de vérité pour informer le peuple désinformer par nos médias payés par Macron avec nos impôts .

  5. Anne Laure ; merci et bravo pour votre courage. Que St Michel (paras) notre patron vous protège

  6. J’avais vu sa vidéo la semaine dernière sur un autre site. Quel courage a cette jeune femme. Quel silence de nos médias sur cette guerre du Donbass. C’est regrettable qu’elle soit si peu connue.

  7. Son témoignage est la preuve que la guerre n’a pas cessé depuis 2014 et que Poutine dit vrai quand il prétend être venu à l’appel des peuples du Donbass qui n’avaient plus à manger depuis 8 jours car les néonazi avaient détruit tous les commerces , les réduisant à la famine. Cela s’ajoutant aux manœuvres otaniennes pour armer Kiev, on a beau jeu de l’inculper d’attaque contre l’Ukraine. Bref, c’est une histoire de famille dans laquelle les Occidentaux n’auraient jamais dû s’immiscer.

  8. Bravo. Une pierre importante à l’édifice pour enfin que toute la vérité éclate, et que la majorité des électeurs (trices) puissent voter en toutes connaissances…

  9. « exactions contre leur propre population civile ». ?? pas faux mais pas équilibré : le Donbas c’est une guerre de sécession appuyée par des troupes étrangères (russes). Il est vrai que Porochenko avait supprimé l’usage du russe etc etc… Qui a commencé, l’œuf ou la poule ? Les méchants ou les gentils ? On n’est pas dans la tribune Boulogne des footeux …

  10. curieux également de voir que tous les bombardements US (yougoslavie, serbie,irak ,) n ont pas donnés lieux a des sanctions de la part de lUE ni a des émissions télés mettant en cause la brutalité américaines.
    il est vrai que si des civils sont tués par une bombe russe c est un crime de guerre; quand c est une bombe américaine cela devient un dommage collatéral….

    1. Et ces dommages colateraux sont récurents dans le monde.
      Ne pas oublier que l’état américain a délivré des permis de tuer est n’est pas le dernier à utiliser des armées privées…

  11. Depuis 2014 le Donbass subi des bombardements et tout le monde s’en fout !!!
    Enfin une vraie journaliste, c’est rare !!!! Continuez et courage Madame !!!!

  12. Il va falloir lui accorder une protection policière la pauvre elle ose dire la vérité…. ouha que c’est mal vu….

  13. Tant que les morts sont des chrétiens à ça plait…. surtout massacrés par des muzz…. Le souci c’est qu’en Ukraine c’est le contraire.

  14. Hier sur CNEWS, à 20h émission de Praud, un chef d’entreprise raconte que le Premier ministre d’Israel est venu à Moscou avec son Ministre de la construction (qui parle Russe) pour trouver un accord avec Poutine, au retour arrêt à Berlin pour voir le Chancelier , mais Paris évité ? Rien dans la presse ce matin ?

    1. A l’inverse, si le 1er ministre israélien avait halte à Paris rencontrer le Poudré et avait snobé Berlin, cela aurait fait les grands titres de la bonne presse.
      En toute déontologie journalistique, comme toujours …

    2. effectivement rien chez nous, encore une nouvelle gifle pour le « patron » actuel de l’UE

    3. Il y a embargo sur la vérité !
      Quand Zelansky poste sa vidéo quotidienne pour doper les va-t-en guerre les propos de cet acteur de série TV seraient l’ultime vérité. Nous n’avons plus de discernement !

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