C’est un reportage de RMC qui, ce jeudi matin, échauffe les oreilles. Il s’agit de musique et d’orthographe, et le résultat est très discriminant, voire, disent certains, discriminatoire…

Voici le propos tel qu’il est énoncé, et c’est peu dire que, question sens, orthographe et syntaxe, ça écorche aussi sérieusement le lecteur : « L’enquête du baromètre Voltaire 2019 sur “les Français et l’orthographe” analyse l’impact des fans de musique de 15-25 ans sur l’orthographe. Les meilleurs : les fans de musiques indépendantes et de métal. Les moins bons ? Ceux qui aiment le rap », nous dit le chapô. Quant au corps de l’article, il commence par cela : « Dis-moi quelle musique tu écoutes, je te dirais (sic) si tu fais des fautes. »

Le Projet Voltaire est un service en ligne de formation à l’orthographe qui, chaque année, établit un « baromètre » du niveau des Français. Cette année, l’analyse a porté sur une question qui peut paraître étonnante : « Quel est le rapport entre les youtubeurs français, le solfège, les goûts musicaux et le niveau d’orthographe ? »

On s’aperçoit déjà que la retranscription du propos sur RMC tient de l’exercice de voltige : en effet, le sujet n’est pas d’analyser « l’impact des fans de musique de 15-25 ans sur l’orthographe » mais l’impact de la musique qu’ils écoutent sur leur propre niveau d’orthographe ou, bien plus encore, le lien entre leur niveau et ce qu’ils sont susceptibles d’écouter. Pas l’inverse. Enfin, il y a deux options possibles à l’introduction, soit « Dis-moi quelle musique tu écoutes, je te dirai si tu fais des fautes », soit « Si tu me disais quelle musique tu écoutes, je te dirais si tu fais des fautes ». Hélas, rap ou pas, la confusion est désormais banale entre futur et conditionnel…

Ce baromètre 2019, fruit de l’enquête sur les goûts musicaux des 15-25 ans corrélés à leur niveau d’orthographe, donne des résultats… pas très surprenants à vrai dire : « C’est un podium qui secoue ! », nous dit-on, car « si les amateurs d’indie s’imposent avec 63,2 % des règles maîtrisées, ils sont talonnés par les fans de métal et de rock ». Et en queue… les fans de rap.

RMC fait un reportage pour étayer le sujet : « L’enquête n’est pas tendre avec les amateurs de rap : ils ont des lacunes en français » et Martin, le lycéen interrogé, confirme : il fait des fautes partout. « À l’inverse, les fans de rock ou de musique indépendante sont plus à l’aise avec la langue de Molière. C’est le cas d’Amélie. » « Même quand j’écris des textos, je fais attention aux fautes d’orthographe, à la grammaire ! J’écoute plutôt de la musique planante, la musique indie quand je m’endors », dit la jeune fille. Enfin, l’enquête se clôt sur une révélation tout aussi surprenante : elle « montre également que ceux qui s’intéressent à la littérature étrangère, ou utilisent l’application WhatsApp, sont généralement des amoureux de la langue française ».

Voilà voilà. On aurait pu ajouter aussi que l’eau, ça mouille, le feu, ça brûle. Ajouter également qu’écouter Mozart et jouer de la harpe dès l’enfance vous structure le cerveau différemment du matraquage binaire de Nick Conrad.

Reste, évidemment, l’épineuse question de la poule et de l’œuf, autrement dit, va-t-on vers des contenus violents et indigents parce qu’on est pauvre en esprit et en culture, ou bien sont-ce les contenus en question qui nous rendent abrutis ?

Pascal Hostachy, qui a coordonné l’étude, apporte sa réponse : « Les gens qui écoutent de la musique indie sont des gens explorateurs, curieux, qui vont rechercher de nouveaux horizons, de nouvelles musiques, et cette curiosité, on peut imaginer qu’elle s’applique aussi à la langue française, ce qui peut expliquer qu’ils aient un meilleur niveau. »

On vous le disait : l’eau, ça mouille…

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05 décembre 2019 à 13:43

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