Agression de Michel Zecler : une indignation à géométrie variable ?
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », écrivait Descartes, dans le Discours de la méthode, non sans ironie et provocation, car il pensait le contraire. À notre époque, il soutiendrait vraisemblablement que c'est la bêtise, s'ils n'y prennent garde, qui gouverne l'esprit des hommes, notamment chez nos prétendues élites. On pourrait en trouver de nombreux exemples dans l'actualité. Ainsi, les médias, les politiciens de tout poil, surtout au poil gauchisant, ne parlent actuellement que du producteur de musique noir passé à tabac par des policiers, sans même se demander ce qui a bien pu passer par la tête des présumés coupables.
Le simple bon sens voudrait qu'on s'interrogeât d'abord sur les circonstances exactes de ce fait divers, sur les motivations des policiers, qu'on fît preuve d'un peu de circonspection tant que les résultats de l'enquête en cours ne sont pas connus. Au lieu de cela, on crie haro sur le baudet, comme si l'on éprouvait une certaine jouissance à prendre des membres de la police en flagrant délit ou qu'on se purifiait soi-même en soulignant les égarements d'autrui. Non sans arrière-pensées, comme l'extrême gauche, qui assouvit sa haine du flic, ou Emmanuel Macron, qui n'en rate pas une pour s'ériger en bon chevalier sans peur et sans reproche, dénonçant des « images qui nous font honte ».
Il ne manquait plus que des joueurs de l'équipe de France qui, pour rivaliser sans doute avec les vedettes hollywoodiennes les plus engagées, y vont de leurs commentaires indignés. Et d'interpeller le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, de souligner l'importance de pouvoir toujours filmer la police, alors que le gouvernement défend la loi de « sécurité globale », avec son fameux article 24, considéré comme une atteinte à la liberté d'information. De toute évidence, cette affaire est utilisée à des fins politiques ou pour se donner bonne conscience à bon marché.
Il ne s'agit pas de nier la gravité des faits. Si les policiers sont coupables, s'ils ont commis un acte délibéré de racisme, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Mais, encore une fois, il faut attendre les conclusions de l'enquête. Ceux qui procèdent à une récupération politique de cette affaire ou jouent les vierges effarouchées montrent à quel point leur jugement peut être faussé par une instrumentalisation de l'émotion ou, pire, par des intentions inavouables. Ces donneurs de leçons, prêts à rendre une justice expéditive, font le plus souvent preuve d'une indignation sélective.
Avez-vous entendu parler, si vous ne lisez pas le journal régional, de ce gendarme roué de coups, le samedi 21 novembre, sur le parking du centre commercial de la commune de Claira, dans les Pyrénées-Orientales ? Selon L'Indépendant, ce gendarme, qui ne portait pas son uniforme et faisait ses courses avec sa compagne, aurait été apostrophé par deux individus, lesquels, apprenant sa profession, l'ont frappé à coups de poing, le blessant au visage, avant de prendre la fuite.
Certes, la scène n'a pas été filmée ; certes, de tels actes se produisent quotidiennement, dans les quartiers ou même en zone rurale, au point qu'on n'y prête plus attention. Bien qu'ils manifestent un racisme anti-flic, ils ne semblent pas susciter la même réprobation, comme s'ils faisaient partie des risques normaux du métier. Se servir de l'agression intolérable de Michel Zecler pour monter un coup politique, pour tenter de salir l'ensemble des forces de l'ordre, relève d'un parti pris tout aussi intolérable ou, si l'on est indulgent, d'une bêtise invétérée. La sagesse commande de prendre du recul et de retrouver le bon sens qui s'est perdu dans les idées préconçues.
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