Ils ont tourné le pouce vers le bas : elle s’est suicidée…

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Le 12 mai, Davia, une jeune fille de 16 ans, s’est défenestrée du troisième étage à Kuching, en Malaisie. Elle avait posté un sondage sur son compte Instagram « Vraiment important, aidez-moi à choisir entre M/V ». M/V se traduisent part Mort/Vie. 69 % des réponses parmi ses abonnés étaient en faveur de la mort. Comme la foule qui tournait le pouce vers le bas pour que le gladiateur vaincu soit mis à mort, la vox populi qui s’impose à l’empereur ou à Davia n’est qu’un mimétisme de plus faisant un bouc émissaire de plus. Innocent, bien sûr.

Les mots heurtent, blessent, tuent. Bien sûr, tous ceux qui manient les mots devraient se souvenir de la fable d’Ésope sur la langue, meilleur et pire des mets qu’il sert à son maître. L’inspirateur d’Emmanuel Macron et de son « et en même temps » ? Oui, les mots, le langage peuvent devenir des armes par destination. Ce constat devrait être suffisant pour que la bienveillance accompagne et guide toutes nos expressions, sans exception. Nous ne savons pas quelles fragilités peut éprouver celui qui nous entend, ou pire, celui qui nous lit. Manifestement, Davia était fragile et elle ne s’en est pas cachée.

Bien sûr, cette bienveillance n’est pas, ne doit jamais être une abdication, une reddition en rase campagne. Les mots servent à véhiculer des savoirs, des idées, des opinions, des concepts, des émotions, des convictions, et à les partager. Tout ce que ces mots désignent peut rencontrer l’approbation, l’adhésion, l’opposition, la révolte, la controverse, la discussion, le rejet, la moquerie. L’art du mot aussi juste que possible tout en restant bienveillant, c’est compliqué. Mais 69 % d’une audience effective pour la mort d’une jeune fille, ce n’est en rien de la bienveillance.

Les tenants du darwinisme social pourront prétendre que Davia aurait du développer sa propre résilience. Dans un monde qui semble de plus en plus cruel et indifférent envers la faiblesse, c’est une évidence. Mais qui était là pour lui tendre la main et l’y aider quand elle en avait besoin ? Et, surtout, qui était absent ? Et jusqu’où doit aller cette résilience ? Jusqu’à supporter, au nom de la liberté d’expression et de création artistique, les messages de haine d’un rappeur ?

Écran, c’est un mot « piégeux » : c’est ce qui montre et ce qui cache. Oui , encore du « et en même temps » ! L’anonymat relatif qui camoufle nos excès et nos manquements face à l’humanité de nos interlocuteurs, c’est l’écran qui nous le procure. Mais c’est lui qui laisse transiter une hallucinante quantité d’informations, et pourtant, il nous en manque tant : les filtres sont là et censurent ce que nous voyons et lisons. Il serait malhonnête de prétendre que nous ne les façonnons pas, du moins en partie, même si une autre partie de ces filtres nous est imposée par « le monde » et ses impératifs économiques ou politiques. Et il est évident que certains filtres de la communication « physique », en vis-à-vis, ne survivent pas à la virtualisation : ceux qui, par exemple, entravent le passage des mots qui tuent, par bêtise ou par méchanceté. Subsistent, par contre, ceux qui empêchent parfois de voir la détresse d’une adolescente.

Que Davia repose en paix.

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