5 euros, c’est quoi, 5 euros ?

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On peut dire ce qu’on veut, mais Nicolas Sarkozy savait parfois capter les aspirations des Français. Ainsi, en décembre 2006, concluant le congrès de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), il déclarait : "Mon projet en matière de logement est de faire de la France un pays de propriétaires car la propriété est un élément de stabilité de la République, de la Démocratie et de la Nation." Il aurait pu ajouter que la propriété est d’abord un élément de stabilité de la famille, la nation étant la famille des familles.

Onze ans après, changement de discours. Durant sa campagne, Emmanuel Macron affichait une autre ambition. "Je transformerai l’ISF en impôt sur la rente immobilière. J’exonérerai tout ce qui finance l’économie réelle." La rente ? Ça fait rance, France en charentaises, chaussée de ses bas de laine, façon Père Goriot, ceinture-bretelles. Comme s’il n’y avait aucune prise de risque lorsqu’on investit dans la pierre : des termites au locataire impécunieux en passant par les variations du marché, je me demande si le propriétaire-bailleur n’est pas, d’une certaine façon, une sorte de héros du XXIe siècle. Mais, pour Emmanuel Macron, l’immobilier, c’est ce qui est immobile, irréel même.

Car c’est bien connu, les bulles financières qui explosent joliment un beau matin dans le ciel de Wall Street et retombent en pluie fine sur des millions d’esclaves que, par ailleurs, on asservit toujours plus par les liens sacrés du crédit, c’est l’économie réelle ! Mieux : la réalité.

Emmanuel Macron ne veut pas réformer la France – elle serait irréformable. Voire ! – mais la transformer. La dernière fois que la France s’est laissée bousculer entre deux portes par un galopin, ce fut en 1799. Mais Bonaparte, en besognant la France à la hussarde, avait bien saisi les désirs les plus profonds des Français. Ils voulaient simplement qu’on arrête la Révolution et retrouver l’ordre, la paix civile. Emmanuel Macron, lui, veut bousculer mais sans trop se soucier des désirs profonds des Français. Il se voit comme une sorte de Moïse de la modernité qui va sortir son peuple de cette vallée de médiocrité où il se traîne depuis Louis-Philippe, pour le faire entrer de gré ou de force dans une sorte de Silicon Valley où chacune et chacun sera son propre chef d'entreprise… Un détail si elle et il sont payés comme des Bangladaises et Bangladais.

Mais, au fait, c’est quoi, les désirs profonds des Français ? En 2014, un sondage commandé par la Française des jeux et publié par Le Parisien avait donné la réponse. Un truc pas compliqué : 62 % des Français rêvent d’avoir une belle maison. Emmanuel Macron aura beau faire, il ne changera pas les aspirations ataviques d’un vieux pays où chacun rêve d’être seigneur chez lui et de transmettre à ses enfants ce qu’il a reçu, acquis, amélioré. La France reste un pays de sédentaires vivant sous un toit. Pas un peuple de nomades couchant sous la tente, du moins jusqu’à nouvel ordre mondial…

Emmanuel Macron veut que ça bouge, ça circule et vite : les biens, les hommes, la finance et tout le toutim. En marche vers le nomads land ! La pierre, c’est immobile.

Alors, les immobilistes sont cavalièrement priés de bien vouloir contribuer à la marche du monde en baissant leurs loyers de cinq euros. Ces trois pierres acquises toute une vie durant en se levant tôt le matin afin de pouvoir arrondir sa petite retraite avec un petit loyer… Je vous arrête tout de suite : que ceci est mesquin, étriqué, petit - vous le disiez justement. Provincial ! Alors, cinq euros, c’est quoi, après tout ?

Emmanuel Macron devrait quand même méditer ce vieux dicton, pour le coup, bien de chez nous : « Quand le bâtiment va, tout va ! »

PS : une suggestion, pour compenser la baisse de cinq euros des loyers, eux-mêmes compensant la baisse des APL... Emmanuel Macron devrait demander à Bercy d’appliquer une baisse forfaitaire mensuelle de cinq euros de l'impôt sur les revenus fonciers. La boucle serait ainsi bouclée…

Re-PS : je précise que je n'appartiens pas à cette sorte de héros du XXIe siècle.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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