Pour toute une intelligentsia bien-pensante, il n'est qu'une opinion acceptable sur les attentats islamistes, et en particulier celui du Bataclan. Et cette doxa a été rapidement et définitivement érigée en dogme avec l'opuscule d'Antoine Leiris, qui a perdu sa femme au Bataclan : Vous n'aurez pas ma haine.

Leur article commence donc par là, par le dogme, histoire de montrer toute l'hétérodoxie de Patrick Jardin : "Il est l'anti-Antoine Leiris." Et, à partir de là, la cause est entendue, l'enquête est close, le jugement est fixé, définitif dès la première phrase et peut donner son titre à l'article du Monde, cet Osservatore parisiano du dogme : "Après le Bataclan un père sur le chemin de la haine." Ce père, c'est Patrick Jardin.

Ce père a emprunté un parcours différent, n'a pas immédiatement crié son pardon et son amour des assassins islamistes, ce père a voulu enquêter, démêler l'écheveau des causes et des responsabilités qui ont amené ces centaines de crimes, les ont rendus possibles en France. Ce père s'est mobilisé, avec d'autres victimes, pour que Médine ne chante pas au Bataclan. Et il a obtenu gain de cause, preuve qu'il y avait là une indécence et un irrespect sacrilèges qui auraient peut-être mérité une enquête du Monde, non ? Une chose est sûre : quand votre enfant est tombé, avec des dizaines d'autres, sous les coups d'une idéologie et d'individus animés par la haine, il y a des choses qui ne se font pas, des mots qui ne s'emploient pas. On ne met pas dans le même sac de la "haine" les barbares islamistes et les victimes. C'est indécent. Écœurant.

Mais qui sont-elles donc, ces deux journalistes, pour avoir la prétention d'assener une telle sentence ?

On est sidéré qu'elles ne soient même pas capables de reconnaître ce qu'il y a de résilient (pour employer les mots qu'aime d'ordinairement Le Monde, mais seulement quand la résilience va dans le sens attendu) dans les combats que mène Patrick Jardin : recherche de la vérité, enquête, écriture d'un livre, recherche de soutiens et d'engagement auprès de personnalités et de mouvements politiques. Faut-il leur rappeler, à nos deux journalistes péremptoires, que c'est cela, un chemin de deuil et de vie, aussi ? Et qu'elles n'ont le droit de porter aucun jugement ? Qu'elles se discréditent en réduisant la démarche de Patrick Jardin à ce seul affect ? Comme il est facile d'apposer le mot « haine » sur ce parcours... Comme c'est bien commode, car cela empêche aussi d'écouter ce qui, dans son discours, relève de la raison, du questionnement légitime, de l'analyse d'une situation historique qui dépasse son drame personnel. Et tout cela est à son honneur.

Ne peut-on pas leur suggérer, enfin, que ce qui est le plus suspect, dans de tels drames, c'est bien plutôt - tous les psychologues le savent bien - le pardon immédiat et précipité ?

On aurait aimé un peu plus de respect, de pudeur devant ce père qui, en perdant sa fille, a tout perdu. Il faut vraiment ne pas avoir eu, dans son entourage, des parents ayant subi de tels drames pour oser écrire ce qu'elles ont écrit. Ou être aveuglé par ses préjugés, son idéologie. Patrick Jardin est sur le chemin de la vérité et de la reconstruction. Le Monde sur celui de l'indécence et de la confusion.

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30 septembre 2018 à 11:05

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